Regulus avait finit par craquer. Il avait mit sa fierté dans sa poche et avait été demander une potion de sommeil à l'infirmière. C'était devenu nécessaire. Parce qu'à force de ne pas dormir, d'être perpétuellement épuisé, il mettait son avenir en danger. Ses notes avaient chuté, sévèrement, au point que son père, averti sans doute par Dolohov, lui avait envoyé une lettre bien sentie. S'il n'avait pas eu cette pudeur et cette réputation à tenir, sans doute lui aurait-il fait parvenir une beuglante. Mais Regulus n'avait nul besoin d'une lettre écarlate et braillarde pour comprendre. Il fallait qu'il se reprenne en main. Vite. Très vite. Les menaces de son père étaient suffisamment terrifiantes pour prendre le pas sur son éternelle fierté. De toute façon, sa fierté tombait en miettes, en ce moment. En huit ans de scolarité, jamais il n'avait été à ce point humilié. Jamais il n'avait eu cette impression de perte de contrôle aussi forte, aussi poignante. Jamais sa vie n'avait si peu dépendue de lui. Par Salazar. Enfin, même si ça lui faisait mal de le reconnaître, la potion donnée par l'infirmière était un vrai miracle. Il avait enfin retrouvé les joies d'un sommeil sain et réparateur. Il ne se débattait plus contre ses cauchemars, ne passait plus des heures à regarder le plafond en craignant le moment où il s'endormirait, et en même temps en priant presque pour avoir droit à un peu de répit. Oui, cette potion faisait un bien fou. Mais ce n'était pas pour ça que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Non. Les problèmes étaient même loin, très loin d'être résolus. À vrai dire, chaque fois qu'un bout de solution pointait, il y avait autre chose qui lui tombait dessus. Ainsi, alors qu'il avait enfin trouvé le courage de parler à Julius de l'horrible accident qui s'était joué dans les cachots, alors qu'il s'était libéré en partie d'un poids qui commençait à l'écraser, Calice Croupton avait débarqué, son chantage sous le bras. Et maintenant, c'était un autre poids, qui pesait lourd sur ses épaules. Un poids d'un autre genre. Le poids des rumeurs. Oh, qu'est ce que c'était, après tout, qu'une rumeur ? Rien de plus que des discussions futiles d'adolescents auxquelles Regulus n'avait jamais prêté attention. Il n'avait jamais eu le moindre intérêt pour les autres, pour ce qu'on pouvait bien dire de lui. Il savait ce qu'il valait, leurs commérages inutiles ne l'intéressaient pas. Mais jamais, jamais il n'avait eu affaire à pareille rumeur. Jamais il n'avait eu à ce point envie de se planquer six pieds sous terre. Non, pas même la fois où, malencontreux coup de sort, Orla Price l'avait affublé d'horribles oreilles de lapin. Parce que cette fois, il savait qu'il avait échouer. Il savait que, si cette rumeur existait, c'était parce qu'il avait été plus faible, plus idiot, moins ingénieux que Calice. Il savait aussi qu'il ne pourrait pas faire taire ces murmures. Pas avant que celle qui tirait les ficelles ne se lasse de ce jeu puéril.

Cela ne faisait pas très longtemps, que le bruit circulait dans les couloirs. Regulus Black était à nouveau avec Calice Croupton. Étonnant, quand on se souvenait de la fin de leur relation. Il s'était moqué d'elle. Il l'avait toujours méprisée. Comme les autres. Pourtant, d'après les bruits qui couraient, Monsieur Black, goujat et libertin, était fou amoureux de cette Gryffondor. Avait-il ingéré un puissant philtre d'amour ? Avait-il subit un choc crânien violent ? Ou était-il simplement tombé dans les filets d'une prédatrice ? Cette dernière hypothèse semblait avoir le plus de succès. Et Regulus savait très bien pourquoi. C'était Calice, qui avait lancé la rumeur. Calice qui l'alimentait comme bon lui semblait. Qu'avait-elle été raconter sur lui ? Qu'avait-elle dit, exactement, sur la nature de leur relation ? Quels mensonges ignobles avait-elle inventé ? Il n'en savait rien et n'était pas sûr d'avoir envie de le savoir. Il avait juste envie de se planquer, quelque part, loin des regards curieux et des paroles déplacées. Pourtant, il n'avait pas le choix. Il devait faire face.

Un nouveau soupir s'échappa de ses lèvres. Oh, le cours était tout à fait intéressant. Mais il entendait des chuchotements dans son dos. On parlait de lui, il en était persuadé. Toute cette histoire l'avait rendu carrément paranoïaque. Le moindre regard, le moindre rire, le moindre marmonnement était une attaque personnelle. Non. Il fallait qu'il se calme. Les deux pipelettes, derrière lui, devaient avoir un sujet de discussion bien plus intéressant que la vie sentimentale de Regulus Black. Quoique. Les histoires de cœur avaient toujours une certaine popularité chez les jeunes femmes. Mais tout de même, il se faisait sans doute des films. Il fallait qu'il se concentre sur le cours, s'il voulait faire remonter sa moyenne. Il y réussit à peu près, durant les dix dernières minutes, gardant tout de même une oreille attentive aux deux jeunes filles, tentant de capter une indication sur leur conversation. Mais il n'entendait que des gloussements. Le cours se termina. C'était un soulagement, et en même temps une torture. Oui, il était ravi de quitter la salle de classe et de respirer un peu d'air frais. Mais il savait d'ors et déjà que les murmures le suivraient. À moins que ce ne soit lui qui les imaginait. Peu importait, dans tous les cas, ce ne serait pas plaisant. Mais alors qu'il rangeait ses affaires, les deux filles qu'il avait entendu discuter passèrent près de lui. Et cette fois, aucun doute possible. Le regard en coin, le gloussement et surtout, le nom de Calice qui parvint jusqu'à ses oreilles. Rester calme. Toute une épreuve. Parce qu'il crevait d'envie de lancer à ces deux commères des sortilèges dont elles n'imaginaient même pas les effets. Mais il était hors de question de faire quoi que ce soit. Il avait perdu une bonne partie de sa fierté, mais il lui restait suffisamment pour relever la tête, serrer les dents et jeter un regard assassin aux importunes. Au moins, personne n'avait encore osé lui poser de question en face. Il ne savait pas vraiment ce qu'il répondrait, si Julius, Leandre ou quelqu'un d'autre venait lui demander des comptes à ce sujet. Aurait-il la force de maintenir la supercherie, de jouer l'amoureux transit ? Pff. C'était complètement ridicule, cette histoire. Il avait pensé, au début, que personne ne croirait à une folie pareille. Comment lui, Regulus Arcturus Black, pourrait-il s'éprendre à ce point d'une fille, une fille avec laquelle il avait déjà joué, en plus ? Et pourtant, les gens semblaient prêts à croire à n'importe quoi.

Il sortit donc de la salle, furieux, tentant de ne pas faire attention aux regards qui convergeaient vers lui, aux chuchotements et aux sourires en coin. Sortir. Il avait besoin d'air. De respirer. De réfléchir. Comme s'il n'avait pas suffisamment réfléchi, ces derniers jours. Il avait tourné et retourné le problème dans tous les sens, le résultat restait le même. Tant qu'il n'aurait pas un moyen de pression, il devrait jouer au jeu de Calice, que cela lui plaise ou non. Ses pas le menèrent rapidement à l'extérieur. S'il avait voulu être seul, il aurait très certainement choisi un autre endroit de méditation. Le ponton était plutôt fréquenté, en ce jour exceptionnellement ensoleillé. Mais il n'allait pas aller se cacher sous prétexte que ces crétins n'avaient rien de mieux à faire que de discuter de son cas. Il fit semblant de se désintéresser totalement d'eux, affichant le même visage dur et sombre qu'à l'accoutumée pour aller s'installer sur un banc libre. Sa capacité à faire semblant, à se planquer sous des apparences, voilà qui lui serait bien utile. Mais serait-il capable de faire semblant à ce point ? Serait-il capable de feindre l'amour face à une fille qu'il méprisait, qu'il haïssait désormais. Il n'en savait rien. Mais, de toute évidence, il le saurait plus tôt que prévu.

Il l'avait vu arriver. Avant les autres. Pas longtemps avant. Suffisamment pour laisser la panique le gagner un moment et retrouver son sang froid dans la foulée. Il pouvait peut-être sauter dans le lac. Il se ferait bouffer par un quelconque monstre aquatique, certes, mais cela vaudrait toujours mieux que ce qui l'attendait. Mais il n'était pas suffisamment courageux pour affronter de son plein gré une créature des profondeurs. Et soudain, l'évidence s'imposa à lui. Il n'avait jamais aimé qui que ce soit. Il ne s'était jamais amouraché d'une fille. Jamais. L'amour, c'était pour les faibles. C'était le seul espoir qui restait aux pauvres, aux anonymes, aux inutiles. Lui, n'était ni pauvre, ni anonyme, ni inutile. Il n'allait certainement pas s'embarrasser d'un sentiment aussi encombrant que l'amour. Et puis quoi encore ? Mais pour le coup, il avait là un sérieux problème. Comment jouer l'amant transi alors qu'il n'avait jamais été dans cette position, qu'il n'avait dans ses connaissances pratiquement personne qui soit tombé fou amoureux d'une demoiselle, pour autant qu'il le sache ? Il faut dire que, chez les sangs purs, les unions arrangées ne laissaient pas de place aux sentiments. Il le savait, l'avait bien compris. Mais comment donner le change, désormais ? Bien sûr, il avait déjà joué avec les filles, avait déjà mentit. Mais c'était différent alors. Il n'avait qu'une personne à duper, une jeune femme souvent faible et avide de sentiment, une jeune femme souvent prête à croire toutes les conneries qu'il raconterait. Dans ce cas là, il se fichait bien de ce que penserait le reste de Poudlard. Et en général, personne n'était vraiment dupe. Tout le monde savait bien qu'il se moquait de ces filles. Mais là, c'était la situation inverse, tellement plus délicate. Calice savait le mensonge puisqu'elle en était l'instigatrice. En revanche, personne d'autre ne devait percer leur secret à jour. Et cette fois ci, il ne tentait pas de tromper une pucelle aveuglée d'amour et d'admiration pour lui. Cette fois ci, il tentait de tromper tout Poudlard. Un défi de taille. Oui, voilà. Il fallait le prendre ainsi. Un défi. Un sacré défi qui mettait à rude épreuve ses capacités d'adaptation et d'hypocrisie. Mais il était doué, dans ces domaines. Il avait passé dix huit ans à manipuler son monde, à sourire à des gens qu'il ne supportait pas, à flatter des femmes qu'il trouvait d'une laideur atroce, à mentir et à faire semblant. Cette fois ci, il jouait juste dans la catégorie supérieure. Parce que, dans les soirées mondaines, tout le monde était conscient de l'hypocrisie, tout le monde en usait et en abusait, tout le monde n'attendait que ça de son voisin. Alors que cette fois, si l'hypocrisie était perçue, ce serait fatal. Parce que, s'il jouait mal son rôle, il savait parfaitement ce qui l'attendait. Une dénonciation. Et il n'aurait plus aucun moyen de se tirer d'affaire, cette fois.

Il eu le temps de renforcer son masque d'indifférence, de se donner une contenance, avant que Calice ne le remarque. Il vit clairement derrière le sourire. Elle était fière, satisfaite de mener ainsi un jeu qui ruinait la réputation de celui qui l'avait blessé. Parce que oui, jouer l'amant fidèle, éperdument amoureux de sa belle, ce n'était pas bon du tout pour sa réputation. De quoi aurait-il l'air, à se pâmer devant une fille ? Par Merlin, il fallait qu'il cesse de penser à cela. Il était temps. Il ne pouvait pas éternellement rester vissé sur son banc, et elle sur le sien. Les gens allaient se poser des questions. En plus, il sentait les regards curieux glisser sur eux. Il fallait qu'il bouge. Évidemment, il aurait préféré qu'elle fasse le pas, qu'elle vienne, ça aurait été beaucoup plus simple. Et c'était justement la raison pour laquelle elle ne le faisait pas. Elle allait faire de sa vie un enfer. Il fallait se lever. Essayer de ne pas avoir l'air de partir à l'échafaud. Et avancer. Et lui rendre son sourire. Ce qu'il fit au prix d'un effort surhumain. Qu'il devait paraître niais. Mais n'était ce pas justement là le but ? Arrivé devant elle, il se retrouva un moment, une seconde, sans savoir que dire, que faire. Lui sauter dessus et l'embrasser fougueusement ? Non. Trop … trop. Ça n'était ni crédible, ni naturel. Lui casser les dents ? Tentant, mais pas tellement dans le contexte. Finalement, il opta pour un nouveau sourire, un peu plus hypocrite que le premier. Crédible tout de même, quoiqu'un peu crispé.

'' On parle beaucoup de nous, tu as remarqué ? ''

Voilà, ça, c'était bien. Le sourire amusé qui va avec. Le regard méprisant au possible vers quelques étudiants qui les fixaient avec un peu trop d'intensité. Et hop, on s’assoit. Jusque là, c'était plutôt pas mal, du moins l'espérait-il. C'était bizarre. Très très bizarre comme situation. Il était là, à jouer au couple parfait avec une ex qu'il avait trompé. Vraiment très bizarre. Voyons voir, que faisait un couple normal dans une situation telle que celle ci ? Merlin, à trop réfléchir, il allait manquer de naturel. Mais en même temps, comme pouvait-il être naturel ? C'était à s'arracher les cheveux, tout ça. Mais au lieu de se rendre chauve, ce qui n'aurait en rien arrangé la situation, Regulus se força à mettre toute la tendresse qu'il pouvait dans son regard. Ça, c'était facile. Il l'avait fait maintes et maintes fois pour charmer une jolie fille. Il l'avait fait face à Calice, d'ailleurs. Et puis, sans plus de cérémonie, il posa ses doigts sur sa joue, suivant la courbe de son visage, avant de s'avancer pour lui voler un baiser. Ce n'était pas désagréable, non plus, il n'avait pas à se plaindre. Calice était tout à fait charmante, physiquement du moins. Un instant, alors qu'il savourait la douceur de ses lèvres, il laissa les souvenirs de leur relation passée refaire surface. Pas de sentiment, mais beaucoup de moments de plaisirs tout de même. Oui, Calice avait été un jouet tout à fait appréciable. Dommage que ce soit lui, le jouet désormais.

Il savait que ça serait difficile. Il avait su, dés l'instant où elle avait débarqué dans cette salle abandonnée, dés l'instant où il avait croisé son regard victorieux, que les conséquences seraient douloureuses. Il avait bien compris, alors qu'elle lui avait exposé toutes les clauses de ce contrat, que ce serait loin d'être une partie de plaisir. Pourtant, il n'avait pas imaginé un seul instant que ça serait aussi compliqué. Pas un seul instant, il n'avait pensé que les regards posés sur sa nuque seraient aussi dérangeant, que le sourire de Calice serait aussi effrayant, que la situation serait aussi ingérable. Lui qui s'estimait capable de faire face à toutes les situations, même les plus difficiles, devait bien avouer que, cette fois, il n'était pas certain de tenir. Combien de temps allait-il supporter tout ça ? Il n'en savait rien. Ce qu'il savait, en revanche, c'est que Calice avait sans doute un tas d'idées complètement hallucinantes pour le rendre dingue. Cette fille était d'un sadisme insoupçonné. Qu'il s'en voulait, désormais, de s'être laissé tenter par la jolie Croupton. Qu'il regrettait, de n'avoir pas jeter son dévolu sur une autre fille, plus faible, moins déterminée. Qu'il se détestait, de n'avoir pas vu le danger qu'elle représentait. Désormais, c'était trop tard. Et ni la colère, ni les regrets n'y changeraient quoi que ce soit. Il n'avait qu'à tenir le coup. Suffisamment longtemps. Finirait-elle par se lasser de son jeu ? Peut-être. La question était de savoir si elle lui ficherait la paix avant ou après l'avoir détruit complètement. Il ne se faisait pas trop d'illusions à ce sujet. Elle piétinerait chaque morceau d'honneur qu'il pouvait y avoir en lui, elle ruinerait chaque parcelle de sa réputation, elle écraserait chaque goutte d'arrogance qui pouvait couler dans son sang si pur. Il pouvait toujours tenter de résister, il savait bien qu'il n'était pas de taille à lutter. Pas cette fois. Pas éternellement. Il fallait juste qu'il trouve quelque chose, n'importe quoi pour inverser la tendance, pour reprendre l'avantage. Avant qu'elle ne gagne complètement la partie. Il aurait pu la menacer, se servir de son père pour ruiner sa vie et celle de sa famille. Il y avait pensé, évidemment. Mais comment expliquer à Orion qu'il voulait détruire les Croupton ? Leur sang les protégeait, bien entendu. Et Regulus ne pouvait décemment pas expliquer à son père ce qu'il s'était passé. Orion était-il au courant, de cette rumeur qui courait sur son fils dans les couloirs du château ? Quelques jours plus tôt, Regulus aurait été certain que non. Il était alors persuadé de la confiance que son père plaçait en lui et n'imaginait pas une seule seconde faire l'objet d'une surveillance particulière. Pourtant, preuve en était la lettre envoyée par le ministre en personne, quelqu'un était attentif à ses faits et gestes. Et il ne faisait aucun doute qu'il s'agissait de Dolohov. Regulus n'aimait pas du tout cette idée. Il se sentait trahi. Son père lui avait demandé de garder un œil sur Poudlard, sur Dolohov et sur tout ce qu'il pouvait bien se passer au château. Il avait cependant oublié de préciser que quelqu'un aurait un œil sur lui également. C'était plutôt logique finalement, mais terriblement désagréable. Surtout du fait de la situation actuelle. Que pourrait-il bien raconter à son père, s'il l'interrogeait sur cette liaison ? Maintenir l'illusion ? Mais il était fiancé, il ne pouvait pas se permettre de s'amouracher de qui que ce soit. Dire la vérité ? Et parler de la magie noire, du chantage et de la faiblesse ? Certainement pas. Il ne fallait pas qu'il pense à ça. Pas maintenant. Prendre les problème les uns après les autres, voilà la solution. Et pour l'instant, le problème, c'était Calice. Calice qui se foutait de sa gueule, qui s'amusait comme une folle de la situation, qui était bien décidée à lui faire payer son affront au prix fort. Il n'aimait pas ce contact qu'elle lui imposait, pourtant nécessaire à leur mascarade. Cette main, simplement posée sur sa cuisse, ce n'était encore pas bien méchant. Mais il n'aimait pas ça, simplement parce qu'il savait qu'il ne pouvait pas résister aux charmes de la Gryffondor bien longtemps. Il était pathétique. Malgré la haine qu'il ressentait pour elle, malgré la volonté qu'elle mettait à le détruire, il ne pouvait s'empêcher de la désirer. C'était à vomir. Et en plus, elle était parfaitement consciente de son petit effet. C'était sans doute ça, le pire. Il lui donnait généreusement une arme de plus. Comme si elle n'en avait pas suffisamment.

Le murmure de Calice le piqua au vif. Il savait que c'était exactement ce qu'elle voulait, mais il ne pu retenir la lueur assassine qui passa un instant dans son regard. En revanche, il serra les dents, retenant la volée d'insultes qui lui brûlaient les lèvres. Comment voulait-elle qu'il soit convainquant ? La situation était trop, beaucoup trop dérangeante pour qu'il agisse avec tout le naturel nécessaire. Mais qu'est ce que ça pouvait bien faire, finalement ? Apparemment, les élèves présents avaient l'air satisfaits du spectacle, tout à fait prêts à croire ce mensonge bancal. Il prit une grande inspiration pour se calmer. Ne pas sortir sa baguette. Ne pas mettre son poing dans la gueule d'ange de Calice. C'était déjà un sacré exploit. Il la laissa s'approcher à nouveau de lui, passant mécaniquement un bras autour de ses épaules. Elle jouait son rôle à la perfection, contrairement à lui. En même temps, elle n'en éprouvait aucune honte, aucun malaise. Alors que lui … pas Salazar, seule la menace de la prison qui s'étendait au dessus de lui le retenait de faire quelque chose de très stupide. Les mots que Calice avait prononcé, cette fameuse nuit où elle avait définitivement ruiné sa vie, résonnait encore et encore dans son esprit. 'Si tu ne veux pas finir dans une jolie cellule portant ton nom on va jouer avec mes règles ! '. Il n'avait pas le choix, de toute façon, autant s'arranger pour ne pas empirer les choses.

Mais évidemment, elle était loin d'avoir fini de jouer. Elle commençait seulement. Merlin, combien de temps durait la pause, déjà ? Combien de temps avant qu'il ne doive retourner dans une salle de cours ? Combien de temps avant de pouvoir fuir ? Trop longtemps, c'était une évidence. Nouvelle inspiration pour se donner du courage. La situation aurait pu être plaisante si elle n'était pas dramatique. Calice Croupton, blottie contre lui. Il se força à détendre ses muscles, un peu. Ce n'était pas si grave. Ça pourrait être pire. Nettement pire. S'il oubliait que, dans l'histoire, il passait pour sentimental, un faible tombé sous le charme d'une tigresse, il pouvait presque avoir l'impression de tirer avantage de la situation. Il pouvait presque croire que la situation était telle qu'elle avait été quelques mois plus tôt. Il pouvait presque croire que c'était lui qui menait la danse. Un peu perdu dans ses pensées, il laissa négligemment sa main, celle qui reposait sur les épaules de Calice, jouer un instant avec ses cheveux et son regard glisser sur elle. Son sourire aurait presque pu paraître rassurant, si elle n'avait pas ouvert la bouche. À nouveau, il sentit son corps se tendre en entendant le nom de Potter. Oui, il n'en fallait pas plus pour le faire réagir. Un simple nom qui lui rappelait trop de choses. Un éclair de panique passa dans son regard, son cœur manqua un battement et son souffle s'étrangla dans sa gorge. Et puis, comme précédemment, il se força à se calmer. Elle ne dirait rien. Elle avait dit qu'elle ne dirait rien. C'était bien pour ça qu'il jouait cette comédie grotesque, d'ailleurs. Le choc passé, il retrouva un semblant de contrôle, reprenant une respiration régulière et laissant un sourire se glisser sur ses lèvres. Un sourire malicieux, plus moqueur que tendre, mais un sourire quand même. Il s'approcha d'elle, se laissant prendre au jeu, suffisamment pour que leurs souffles se mêlent, pas assez pour que leurs lèvres se touchent.

'' Pourquoi cette question ? Tu es jalouse ? ''

Répondre à une question par une autre question, ou comment tenter de s'en sortir sans trop de dommages. Il n'imaginait pas la prendre à son propre jeu, c'était une illusion très alléchante mais bien trop belle pour être réaliste. En revanche, il pouvait peut-être trouver un peu de satisfaction dans ce jeu, lui aussi.