⊱ MAYBE EVERYTHING WAS MEANT TO BE THIS WAY. Elle était morte, ta mère. Morte en te mettant au monde. Elle n'avait même pas eu le temps de te nommer que déjà elle rendait son dernier souffle. Tu ne la connaîtrais jamais mais ça, tu ne le savais pas encore. Tu étais trop jeune, tu ne comprenais pas ce genre de choses. Tu ne savais pas que ta mère n'était plus et encore moins ce qui allait t'arriver dans les heures suivantes. Le décès de ta mère avait anéanti ton père. Il était allé chercher une bouteille de Whisky Pur-feu lorsque le regard de sa fiancée s'était éteint et il avait bu. Encore et encore. Sans faire attention aux cris du nouveau-né, sans faire attention à
tes cris. Plus rien ne comptait pour lui. Il venait de perdre celle qu'il aimait et son monde s'effondrait autour de lui. Il ne voulait pas de toi. Il aimait tellement ta mère qu'il avait accepté de rester auprès d'elle pour s'occuper de toi, mais il n'avait jamais véritablement souhaité cela. Il était jeune, trop jeune pour enfanter. Alors que pouvait-il bien faire de toi ? Il aurait pu décider de te garder, de t'élever en souvenir de cette femme qu'il aimait. Mais il n'en avait pas le courage. Tu ne serais pas heureuse avec lui, il le savait bien. Alors il préférait ne pas tenter le coup ; il préférait t'abandonner par peur de ne pas être capable de s'occuper de toi, par peur de souiller la mémoire de sa fiancée. Il n'y avait que toi et lui dans la maison. Personne d'autre Il avait des connaissances en médicomagie et, voyant que le travail de ta mère était déjà bien avancé, il avait refusé de faire appel à un spécialiste. Des heures de souffrances ont précédé ton premier cri. Et puis un sourire de ta mère, quelques mots murmurés. Et elle s'était endormie. Le film passait en boucle dans la tête de ton père, qui tentait tant bien que mal de comprendre pourquoi elle était morte. Il reposa son verre et se leva pour enfiler son manteau. Il s'approcha de toi, t’emmitoufla dans quelques couvertures pour pas que tu n'ais trop froid. Et il transplana. Huddersfield, la première ville à laquelle il avait songé - là où il avait grandit. C'est dans cette ville qu'il t'abandonna. C'est ici que, quelques heures plus tard, un couple te trouvera et te ramènera chez eux. Tes origines te resteront inconnues durant de longues années. Tu ignoreras qui étaient tes parents biologiques. Tu ne sauras pas que Merope Gaunt est morte en te mettant au monde et encore moins que Phinea Croupton était venu t'amener jusqu'ici. À partir du moment où le couple t'adoptera, tu seras Briséis-Rhea Fenwick. Ce qu'il y avait avant, ça n'avait pas d'importance.
⊱ COME AS YOU ARE. «
Tu as quoi ?! » L’incrédulité se lisait sur le visage de tes parents, ainsi que sur celui de tes frères et de ta sœur. C’était un dimanche soir, vous étiez à table ; tu avais alors treize ans. Ton père te dévisageait avec attention, comme s’il cherchait en toi les preuves que ce que tu venais de leur dire n’était qu’une blague de mauvais goût. Ce n’était pas le cas pourtant ; tu étais on-ne-peut-plus sérieuse. Tu disais la vérité – quelle idée d’inventer un mensonge aussi saugrenu. Alors, tu poussas un soupir avant de répéter : «
J’ai parlé avec un serpent. » Oui, toi aussi tu avais eu du mal à y croire – tu n’y croyais toujours pas, d’ailleurs. Tu avais passé l’après-midi dans les champs en face de la maison, seule. Personne ne t’avait accompagné – ils étaient tous trop occupés pour venir avec toi. Tu t’étais couchée sur le sol, les yeux perdus dans le ciel et tu observais les nuages défiler, portés par le vent. Et une voix avait résonné dans ta tête. Tu n'avais pas tout compris sur le moment mais tu étais persuadée d'avoir entendu quelques mots de langue anglaise. Alors tu t'étais relevée ; tu avais regardé à côté de toi, à la recherche d'un membre de ta famille. Personne. Un blague de l'un d'entre eux sûrement. Tu avais levé les yeux au ciel, agacée, et c'est lorsque ton regard s'était à nouveau posé sur le sol que tu l'avais vu. Un serpent, à quelques mètres de toi. Tu n'avais pas osé bougé, de peur que la bête ne te fasse quelque chose - ta mère t'avait toujours mise en garde contre ces bestioles. Mais le reptile n'avait pas bougé ; il s'était contenté de te fixer, de t'observer. Et une idée bizarre, idiote t'était venue à l'esprit. «
C'était toi, n'est-ce pas ? Cette voix. » «
Qui veux-tu que ce soit d'autre ? » Par Merlin ! Tu avais écarquillé les yeux de surprise - tu pensais que tu divaguais et jamais tu ne te serais douté que l'animal te répondrais - tu avais parlé avec
un serpent ! Tu avais commencé à échanger quelques mots avec le reptile, méfiante tout d'abord, et les minutes avaient défilé. Tu n'en avais pas cru tes yeux et tu en avais informé tes parents lorsque l'heure de se mettre à table arriva. Tu savais qu'il était rare pour un sorcier d'avoir cette capacité-là. Tu l'avais lu dans un livre. Par contre, le nom que l'on utilisait pour désigner ce genre de personne t'échappait totalement - toi qui avait pourtant généralement une bonne mémoire. «
Ma fille est une Fourchelang ! » Ah voilà. C'était ça.
Fourchelang. Un nouveau terme pour te désigner. Ce que tu étais. Fourchelang. Cela ne sembla pas perturber ta famille pour autant. Des sourires chaleureux. Tu n'avais aucun lien de sang avec cette famille, tu étais différente d'eux. Et ils l'acceptaient, ils t'avaient élevée comme si tu étais l'une des leurs. Tu aimais ta famille plus que tout au monde mais être fourchelang, c'était pour toi une fierté. C'était un lien avec tes origines.
⊱ PEOPLE I WANT TO PUNCH IN THE FACE. Un silence presque religieux, uniquement interrompu par ta plume qui gratte le parchemin. Un devoir de métamorphose, à rendre pour le surlendemain, sur un sortilège que vous aviez étudié en cours. Un jeu d'enfant. Tu
adorais la métamorphose. Et tu te souvenais encore - presque mot pour mot - du discours de ton professeur sur le sujet. Tu n'avais eu besoin que de quelques livres afin de compléter ta réponse. La bibliothèque était calme. Presque déserte - c'était les vacances et la majorité des élèves étaient encore chez eux. Pour ta part, tu avais décidé de revenir un peu plus tôt. Tu avais quelque chose à faire à Poudlard. Quelque chose que tu ne pouvais déléguer, quelque chose dont tu devais toi-même t'occuper. Quelque chose que les Fenwick devait à tout pris ignorer.
Point final ; tu avais terminé ta rédaction. Ta plume reposée sur la table, tu t'emparais du parchemin afin de relire ce que tu avais écrit.
Nickel. Tu n'aurais pas besoin de retoucher ton texte. Tu rangeais tes affaires dans ton sac et tu te levais pour te diriger vers un rayon de la bibliothèque. Un rapide regard vers le bibliothécaire. Celui-ci avait son nez toujours plongé dans ses registres.
Parfait. La voie était libre. Discrètement, tu te faufilas vers le fond de la pièce et, après avoir lancé un sort, tu ouvris la porte de la Réserve pour y pénétrer. Tu n'étais pas censée te trouver-là, tu le savais. Il te fallait une autorisation pour y entrer, mais qu'aurais-tu dit au bibliothécaire ? Tu ne voulais nullement mettre quelqu'un au courant de tes agissements. Tes frères, ta soeur ne savaient pas que tu venais régulièrement dans ce lieu interdit pour y faire des recherches. Ils ne comprendraient pas, tu en étais persuadée. Magie noire? Non, cela était loin de t'intéresser . C'était autre chose qui t'attirait ici. Tes origines, tes parents biologiques. Tu avais beau affirmer avec véhémence à ta mère que tu te fichais de savoir d'où tu venais, plus le temps passait et plus cette question t’obsédait. Qui, comment, pourquoi. Tu voulais des réponses et tu étais prête à tout pour les avoir. Cependant, tu n'arrivais pas à te résoudre à l'avouer à ta famille. Tu avais peur de leur réaction, peur de les décevoir. Alors, tu taisais tes recherches et tu faisais comme si tout allait bien. Tu avais déjà lu la majorité des livres de la bibliothèque qui traitaient de ce qui t'intéressait, sans succès. Il ne restait plus que la réserve. Et tu espérais bien trouver quelque chose qui t'aiderait dans la quête de tes origines. [...] «
Ah Briséis, tu tombes bien ! » Tu levas les yeux au ciel lorsque tu entendis cette agaçante voix - elle ne t'avait pas le moins du monde manqué durant les vacances, elle - mais ce fut avec un sourire que tu te tournas vers Wendy. Tes recherches n'avaient, une fois de plus, rien donné. Tant pis. Peut-être seraient-elles plus fructueuses le lendemain - tu l'espérais, tout du moins. «
Qu'est-ce qu'il y a ? » «
Tu es déjà de retour ici ? Tu t'ennuyais chez toi ? Enfin bref, je suis vraiment trop trop heureuse de te voir ! J'avais besoin de te demander quelque chose. Mais genre quelque chose de super important, tu vois ? » Tu ne levais pas les yeux au ciel, tu ne soupirais pas. Pourtant, ce n'était pas l'envie qui t'en manquait. Tu avais du mal avec cette fille, tu avais mal avec les gens dans son genre, qui ne te connaissaient pas et te tenaient la grappe pendant trois heures - Wendy avait d'ailleurs le don de te filer un mal de crâne horrible tellement elle t'agaçait. Tu n'arrivais pas à t'attacher aux gens ; tu n'avais jamais réussi. Tu avais quelques copains qui gravitaient autour de toi, mais tu ne les considérait pas réellement comme des amis - les personnes qui avaient la chance de porter ce titre étaient rares. Pour ne pas dire inexistants. Tu étais méfiante - peut-être trop - et avais tendance à être plutôt distante avec ceux que tu ne connaissais pas. Tu ne rejetais pas la compagnie, mais tu ne la recherchais pas non plus. «
Et ? » «
Je voulais savoir si t'accepterais de me faire mon devoir de potions. À rendre pour la rentrée. » Mais bien sûr. Tu n'avais rien de mieux à faire. Perdre ton temps à rédiger quelque chose pour quelqu'un comme Wendy. Même pas en rêve ; tu avais d'autres choses à faire. «
Sans moi. Tu es à la biblio, Wendy. Profites-en pour faire des recherches et écrire cette rédaction. » Si encore elle y mettait du sien, tu aurais pu accepter de l'idée à écrire quelque chose de potable - et encore, il était rare que tu cèdes à ce genre de caprices. Mais là, c'était non. Et tu ne reviendrais pas sur cette décision. Tu n'étais pas des plus aimables, mais tu ne cherchais pas à t'en cacher. Avec les tiens, tu étais une jeune fille pleine de vie, qui riait aux blagues de l'un et réconfortait l'autre lorsqu'il en avait besoin. Seule, tu étais différente. Seule, tu étais une autre.
⊱ YOU'RE FACE IS LIKE A MELODY, IT WON'T LEAVE MY HEAD. Un rire léger, rapidement étouffé par une paire de lèvre qui se joignaient aux tiennes. Les mains du garçon se baladaient sur ton corps, et tu le laissais faire. Il s'appelait Adrian. Tu le connaissais depuis des années, vous aviez cours ensemble. Vous vous entendiez bien au point de vous voir pendant les vacances - c'était d'ailleurs le cas aujourd'hui puisque nous étions en août. Et tu avais fini par céder. Par le laisser t'embrasser parce qu'il en crevait d'envie. Pourquoi? Parce que tu en avais besoin. Parce que tu voulais t'évader, parce que tu souhaitais tout oublier l'espace d'un instant. Tu n'aimais pas Adrian, ça non. Enfin. C'était un camarade, un bon copain. Plus? Tu n'avais jamais oser y songer. Tu ne savais pas ce que tu voulais. Tu n'étais pas une fille facile - loin de là - même s'il t'arrivait de batifoler avec quelques garçons. Tu étais juste... indécise. C'était le mot. Indécise. Perturbée. Dérangée. Cette fois-là, lorsque le jeune homme entrepris de t’ôter ton chemisier, tu le stoppas dans son élan. Tu n'y arrivais pas. Pas aujourd'hui. «
Briséis? » Adrian était penché au-dessus de toi et te fixait d'un air curieux. «
Je... Désolée. Je voulais pas... Laisses-moi un instant, s'il te plait. » Il acquiesça et, après un dernier regard, s'éloigna. Un soupir et tu fermais les yeux. Par Merlin, quel était donc ton problème? Adrian n'était pas moche et ses caresses étaient plutôt agréables. Pourtant, non. Quelque chose clochait. [...] Tu étais ennuyée, lassée. Les répartitions des élèves commençaient sérieusement à te taper sur les nerfs. Chaque année, vous y aviez le droit. Et si certains de tes camarades laissaient échapper des cris de joie lorsqu'un nouvel élève était envoyé à Serdaigle, tu n'en faisais rien. Tu te contentais de fixer un point, sur le mur au fond de la Grande Salle. Lorsque le dernier élève rejoint sa maison, le directeur se lève pour prendre la parole. Un discours que tu connais sur le bout des doigts, que tu pourrais réciter sans le moindre problème. Pourtant cette fois, tu es surprise d'entendre Dumbledore modifier son discours. Oh non, les directives sont les mêmes - vous n'avez toujours pas le droit de quitter votre dortoir la nuit pour une promenade de santé dans la forêt interdite - mais il y a autre chose. L'arrivée d'une femme, envoyée par le Ministère, qui ne te dis rien de bon. Mais ce n'est pas tout. «
Nous saluons également l'arrivée de notre nouveau garde-chasse, Fitzwilliam Ardhen McNair. » Lentement, tu tournes les yeux vers le nouveau venu, imitant tes camarades. Mais alors que les filles qui sont assises à tes côtés commencent à jacasser, tu restes de marbre. Comprenons bien: comme tes voisines, tu trouves cet homme séduisant. Mais tu le connaît. Tu l'as connu. Et votre passé commun est assez gênant pour que tu te permettes d'être réjouie à l'idée de le voir à Poudlard. Toi qui n'a pas pour habitude de laisser paraître tes émotions, tu te permets cette fois pourtant une grimace. Si les yeux pouvaient tuer, McNair serait mort en ce moment même. Un nouveau soupir. Décidément, l'année ne serait pas aussi tranquille que tu te te l'imaginais.
⊱ YOU KNOW WHAT THEY SAY ABOUT WORRYING? DON'T. Ils étaient heureux. Ils parlaient, ils riaient. Mais ils ne te voyaient pas. Tu n'existais plus. Ou alors peut-être n'avais-tu jamais existé, tu ne savais pas. Ton père était installé en bout de table, comme toujours. Un grand sourire sur ses lèvres, il était en pleine conversation ; tu n'entendais pas ses paroles, mais la lueur qu'il y avait dans ses yeux te renseignait parfaitement sur son sujet de conversation. Le Quidditch. Sa plus grande passion. À côté de lui, ta mère l'écoutait d'une oreille attentive, son doux regard braqué sur son mari. Une ambiance chaleureuse, dont tu as pu profiter durant vingt années. Pourtant, ils ne semblaient maintenant plus remarquer ta présence. Tu n'étais qu'un souvenir ; tu n'avais été qu'un chapitre de leur vie et celui-ci était maintenant clos. Tu avais beau crier, les appeler. Ils ne t'entendaient pas. Ils ne te voyaient même pas, en fait. Tu étais devenue invisible, tu étais devenu un fantôme que l'on ignorait. Tu avais perdu ta famille ; tu te sentais seule, tellement seule. Effrayée. Tétanisée. Sans les Fenwick, tu n'étais plus rien. S'ils n'avaient pas été là pour toi, que serait-il advenu de ta personne? Tu serais peut-être morte le jour de ta naissance, dans la neige de Huddersfield. Peut-être aurait-il été préférable. Parce que voir ta famille heureuse, sans toi, ça te tuais de l'intérieur. Une enveloppe vide, voilà ce que tu étais. [...] Lorsque tu ouvris les yeux, tu étais dans ton dortoir, à Poudlard. En sueur, essoufflée. Un cauchemar. Ce n'était qu'un cauchemar. Pourtant, il avait l'air tellement réel. Et au fond, tu avais peur de te retrouver dans une telle situation un jour où l'autre. Tu te frottas les yeux avant de jeter un coup d'oeil à ton réveil. Il n'était pas quatre heure du matin.
Génial. Tu n'arriverais jamais à te rendormir maintenant. Fichu cauchemar. Tu changeas de position avec un soupir et tu fermas les yeux. Morphée refusait de te prendre à nouveau dans les bras. Alors, des images défilaient dans ton esprit. Les images qui étaient venues troubler ton sommeil un peu plus tôt. Elle te hanteraient durant les prochains jour, tu le savais. Parce que perdre ta famille te tuerait. Parce que tu avais peur de tout cela plus que de n'importe quoi d'autre. Ce n'était pas la première fois que tu assistais à une telle scène. La première fois avait été devant un épouvantard.