A travers les
carreaux, son regard se perd sur l'horizon blanc, la
neige qui tombe à gros flocons formant cette vaste étendue lisse et pure qu'il hait tant. L'ennui est à son comble, dans cette salle austère où le silence a élu domicile. La nuit, véloce, a déjà déposé son voile d'obscurité sur le domaine, mais le professeur s'acharne encore à expliquer une théorie complexe, qui requiert une attention disparue depuis bien longtemps. Sa voix n'est pas monotone, mais rien n'y fait, tout le monde a encore la tête aux vacances. Cielo joue machinalement avec sa
plume, qu'il se retient de briser, agacé par les sifflements du nez encombré de son voisin de derrière. Tic. Les secondes sont longues, si longues. Tac. Se lever, partir, rien ne serait plus salvateur. Tic. Quitter cette salle, aller danser. Se libérer. Tac. Bouger. Se vider l'esprit, rien qu'un quart d'heure. Tic. Sortir. Tac. La cloche sonne, annonçant la fin de cette torture. Tendu, il jette ses notes dans son sac, et bondit vers le
couloir la cape à la main. Pressé d'en finir. Il se fraye un chemin parmi la foule grandissante, n'hésitant pas à donner des coups d'épaules. Il s'efforce de retenir sa colère, il pourrait perdre le contrôle si rapidement. Il serre la bretelle de son sac, les jointures de ses mains blanchissant sous la pression exercée. Il s'engouffre dans un escalier exigu et le grimpe quatre à quatre, et bien que les bruits disparaissent, il ne s'en trouve pas pour autant apaisé. Il lève les yeux, et il la voit. Absinthe est en train de nouer ses cheveux en une haute queue de cheval. Son dos cambré faire ressortir la forme alléchante de ses seins. Elle serait parfaite pour l'aider à se détendre. Elle tombe au bon moment, comme une bouffée d'air frais, si bien qu'il voit presque une aura se dégager, tout autour d'elle. Il ralentit le pas, et s'approche d'elle en douceur. Leurs regards se croisent. Elle arrête son geste un instant. Lui continuer de s'avancer, le corps en feu.
« Faut pas traîner seule dans les couloirs, belle Absinthe. Pas sans quelqu'un pour te protéger. » Il fait glisser sa voix, l'enroule dans des accents veloutés. Il joint la parole au geste, rapprochant son corps de celui de la belle jeune femme. Un fourmillement parcours ses avants-bras. La colère a laissé place au désir. Un désir bouillant. Presque malsain.
« Je veux bien être celui là, moi. Là, maintenant. Protéger ton joli corps des méchants rôdeurs. » Il veut jouer. Elle a toujours refusé ses avances, elle le fait languir. Et il court. Courait, disons. Il commence à se lasser de se voir toujours repousser. Et il faut bien l'avouer, son égo démesuré en prend un coup. On ne devrait pas lui résister. En temps normal, son bagou, associé à sa plastique, facilitent les choses. La résistance d'Absinthe ne fait qu'ajouter à la
passion et à l'attirance qu'il éprouve, mais aujourd'hui, la tentation est comme encrée dans la moindre parcelle de son corps, chaque cellule brûlant d'envie. Ses doigts effleurent le dos de sa douce main blanche. Le contact le fait tressaillir. Sa peau est tiède, lisse. Il entend sa respiration ; son odeur l'enveloppe. Elle serait parfaite, dans ses draps immaculés. Il laisse courir son regard sur le mur d'en face, tâchant de se calmer. De faire redescendre la marée qu'elle a provoqué en lui.
Absinthe. Charmante Absinthe.
Désirable Absinthe.