C'est comme si on s'entraîne au saut à le perche toute sa vie et puis qu'on arrive aux Jeux Olympiques et on se dit : Pourquoi diable est-ce que j'irais sauter par dessus cette barre à la con ?
CORDELIA DOLOHOV, T'EN PENSES QUOI ? T'AIMES SA COUPE DE CHEVEUX ? C'est tout simplement inadmissible. Je compte bien réduire à néant le règne stupide de cette gorgone stérile qui fait fuir sa graisse par ses pores tant sa face fait peur. J'ai besoin d'un minimum de liberté dans cette école où celles-ci sont déjà limitées. Mes parents pourtant semblent l’idolâtrer, trouver que c'est une femme honorable et me conseillent de me rapprocher d'elle, de lui faire les yeux doux. Je veux bien les écouter pour le moment, mais je n'irai pas jusqu'à appliquer à la lettre ses décrets sans queue ni tête.
T'ES PLUTÔT QUIDDTICH OU CLUB DE LECTURE ? Les deux en fait... Disons que je fais partie de l'équipe de Quidditch, un sport qu'on m'enseigne depuis tout enfant, mais que j'aime beaucoup lire, bien que je cache cette passion à tous. Je ne veux pas que l'on me prenne pour un intello, je tiens bien trop à ma réputation pour ça. Personne ne sait à vrai dire, que j'aime lire autant que voler, et que je trouve vraiment passionnantes dans tout ce que je lis en cachette.
| | ÇA REPRÉSENTE QUOI LA NATURE DU SANG SORCIER, A TES YEUX ? Honnêtement, j'ai rien contre les moldus, ni les nés-moldus. Mais ma famille a l'air tant préoccupée par ça que je n'ai pas d'autre choix que de faire semblant de les mépriser. Parfois, faire du mal me soulage, j'ai l'impression de me libérer d'un poids, même si je ressens toujours un fond de culpabilité. Mais c'est dans ces moments là que je m'y prends à coeur joie. Les nés-moldus n'ont qu'à bien se tenir, car je ne suis pas du genre à me contenir.
LES COURS, L'AVENIR, TU VOIS ÇA COMMENT ? L'avenir, ce n'est pas moi qui décide de ça. Demandez à mes parents, eux, ils sauront vous répondre. C'est tout ce que je peux vous dire.
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On est tous l'étranger de quelqu'un
Ils étaient tous au complet. Tous. En cercle autour d’Arthus, dans le sous-sol de la maison d’un voisin. La famille Casterwell s’était portée volontaire pour enseigner des cours d’éducation aux petits sangs-pur (dignes de ce nom, cela allait de soi) du quartier. Cette cause était très chère aux yeux du père de Julius, Arthus et à ses nombreux frères et sœurs. Depuis des siècles, les valeurs étaient restées les mêmes au sein des Casterwell et d’autres familles de sang noble. Et ce n’était pas prêt de changer - voilà pourquoi valait-il mieux prendre des précautions en enseignant dès leur plus jeune âge à la progéniture de ces grandes familles. L’apprentissage de leurs propres notions du bien et du mal. Des définitions peu objective des termes « moldus » et « sangs-de-bourbe ». Une première approche de la magie noire. Une description de leur avenir, qui ne leur laisse pas beaucoup de choix. En somme, une propagande bien ficelée. Peu d’enfants réalisent l’enjeu réel de ces cours. Ils prennent tous cela avec beaucoup de sérieux.
Julius, huit ans, avait très tôt développé un don certain pour fixer les gens et leur faire croire qu’il était super intéressé par ce que l’on disait. Honnêtement ? Il s’en contre-fichait. Il voulait juste rentrer chez lui finir le recueil de Beedle le Barde qu’il avait commencé deux jours plus tôt et déjà presque achevé. Il l’avait « emprunté » (enfin, le terme « volé » était peut-être plus adéquat) à un camarade de jeu. Malheureusement, il ne pouvait avoir de livres chez lui. Ce n’était pas vraiment dans l’esprit de la famille. En fait, les Casterwell avaient surtout peur qu’il tombe dans une autre maison que Serpentard plus tard à Poudlard. D’après elle, presque tous avaient été à Serpentard, comme dans un bon nombre de famille de sang-pur respectable. Mais les Casterwell aimaient prendre des précautions et éliminer Serdaigle serait déjà quelque chose de fait. Néanmoins, cela n’empêchait pas à Julius de cacher quelques ouvrages par-ci, par là dans des recoins sombres de leur vaste demeure.
«
Les nés-moldus ont une mauvaise influence. Ils ne sont pas dignes du respect des sangs-pur, comme nous. Tous vos parents sont d’accord avec moi sur le fait qu’il vous est strictement prohibé de les approcher. D’ailleurs, Piper ? Amène-moi s’il te plait la liste des familles de sangs-pur tout aussi peu fréquentable, je vais vous la lire. »
Piper Casterwell, la petite sœur de Julius, se leva du haut de ses six ans. Toute frêle et hésitante, elle trébucha au moins deux fois avant de pouvoir rapporter, timidement, un parchemin d’encre verte à son géniteur. Celui-ci lui sourit tendrement avant de s’éclaircir la voix et de réciter des noms à voix haute. Julius n’écoutait, comme toujours que d’une oreille. Tout cela l’ennuyait profondément. Mais jamais il ne lui viendrait à l’esprit d’aller à l’encontre du désir de ses parents. Il n’avait rien contre les nés-moldus, mais s’il fallait les mépriser, il le ferait. Pour l’honneur de son sang. Il se joint aux autres qui pestaient envers chaque nom cité et feint le dégout.
Tout aurait pu être, toute autre chose et aurait eu tout autant de sens
Julius avait toujours admiré son père. Un homme haut placé au ministère, qui avait une certaine influence et aisance lorsqu’il parlait, il inspirait le respect. Son regard perçant décelait la moindre imperfection, et ses capacités magiques faisaient parler de lui dans toute la capitale. Personne n’aurait jamais pu se douter qu’il n’était qu’un vulgaire… Sang-mêlé. Sa mère, morte très jeune à sa naissance, était une moldue de pure souche. Il n’avait cessé d’entretenir de la haine à son souvenir. C’était un lourd secret à porter. Il était déterminé à ce qu’il ne soit jamais dévoilé. Il n’aurait plus jamais la même notoriété et sa carrière encore grandissante (il aspirait à devenir ministre) serait alors compromise. Ainsi, seuls les frères et sœurs Casterwell, fils de la dite moldue, au nombre de trois, étaient au courant et tous avaient pris soin de n’en dire mot à leurs enfants. Et la stricte éducation qui leur avait alors été donnée avait été élaborée de telle sorte à ce que personne ne puisse un jour douter de leur imparfaite pureté.
Arthus savait se montrer aimant et bienveillant. Tous les dimanches ils partageaient un après-midi complice sur leurs balais derniers cris. Il avait de grands projets et espoirs pour son aîné, qu’il voyait déjà le succéder. Julius faisait sa fierté par l’image qu’il lui renvoyait. Un enfant qui n’avait pas la langue dans sa poche, un leader dans l’âme, qui savait se débrouiller pour obtenir ce qu’il désirait. Il savait ce qu’il voulait et était prêt à tout pour l’obtenir. Un parfait futur Serpentard. Une fois qu’il aura mis les pieds là-bas, il n’aura plus à se faire de soucis pour lui. Le tout se fera naturellement, comme pour lui, des années auparavant.
«
Papa, encore une partie s’il te plait. » Arthus sourit. «
Tout ce que tu veux mon garçon. » «
C’est moi vais gagner cette fois, j’te l’jure... »
Il a suffit d'une étincelle pour que tout se consume
Les années passaient à Poudlard. Julius était un élève modèle pour sa famille. Celle-ci n’avait rien à lui reprocher. Pas trop studieux, pas trop perturbateur. Il avait quelque peu la côte et il en profitait largement. Toujours en bande, il ne manquait pas d’attirer l’attention sur lui. Il se plaisait de temps en temps à brutaliser quelques élèves, mais au fond il le regrettait toujours après. Julius n’agissait pas pour lui, mais pour les autres, pour que son père soit fier de lui. Il avait gardé ce côté sensible qui le rendait si mystérieux aux yeux de certaines personnes. Il s’était forgé un masque, que deux ou trois personnes avaient du percer parmi ses nombreuses connaissances, Piper comprise. Celle-ci semblait beaucoup plus assumer son côté rebelle. Elle était une Serdaigle et fière de l’être, toujours la tête dans les étoiles, et d’une insouciance qu’enviait Julius. Lui, il était le garçon, l’aîné. Il ne devait pas faire n’importe quoi…
Cette image lisse et impénétrable lui allait bien, jusqu’à ce qu’un jour… Il foute tout en l’air. La soirée de ses dix-sept ans, sa majorité sorcière, il réalisa énormément de choses. Notamment que la vie dont ses parents rêvaient pour lui, n’était peut-être pas celle qui lui était destinée. Il avait beau avoir cette sale réputation de coureur de jupons, enchaînant conquête sur conquête, garce blonde sur garce blonde… Il ne se voyait qu’avec une en particulier, et une qui ne plairait ni à maman, ni à papa. Une fille jugée bien trop impure pour eux, qui le ferait perdre définitivement toute la considération qu’ils avaient à son égard.
Cette fameuse soirée, Julius se croyait au dessus de tout. Il voulait pratiquer la magie comme bon lui semblait. Alors avec deux de ses amis, ils avaient décidé d’une incrustation à une fête moldue, une énorme fête moldue, dans une villa de la bourgeoisie londonienne. C’était de la folie. Les trois n’avaient jamais touché à la boisson moldue auparavant, beaucoup plus puissantes que celles sorcières. Ils burent jusqu’à en tomber par terre. Au sens littéral du terme : ils furent réveillés le lendemain matin par la police. Le contenu de leurs poches était sur une table. Des farces et attrapes sorcières, inoffensives à leurs yeux, mais pas pour les moldus. Trois baguettes magiques. Un témoin avait filmé la scène dans laquelle Julius était en train de dessiner un cercle lumineux au plafond du bout de sa baguette. Ils avaient de plus fait brûler une table entière de délices, un mur, le grand salon, la moitié de la demeure sous des flammes multicolores, déclenchant les cris des voisins. Ils furent pris pour des délinquants, un lien fut même effectué avec une affaire qui avait eu lieu quelques jours auparavant dans les environs… Julius ne savait plus où donner de la tête, tant les souvenirs restaient confus. Fort heureusement, un sorcier était parmi les policiers pour leur sauver la mise, et une journée en garde à vue fut suffisante pour convaincre les moldus de leur soit disant innocence. Cependant… le sorcier s’en vit obligé d’avertir le ministère de la magie. Les deux amis de Julius n’étaient pas encore majeurs et ce fut lui qui prit tout. Ses parents en payèrent le prix fort, entre réparer les dégâts, masquer toute trace de leur passage, surtout dans les esprits de chaque invité (et ils étaient autant voire plus nombreux que pour un mariage…). D'autant plus que le sorcier insista pour obtenir la moitié de la somme nécessaire déversée. La famille faillit se ruiner. Arthus, qui n’avait jamais été autant déçu de sa vie, prit une décision, et pas n’importe laquelle : faire jurer à son fils de ne plus recommencer. Mais pas n’importe quel serment. Un serment inviolable. Julius se sentit fondre alors que sa propre mère prononçait ces mots : «
Quoiqu’il arrive, tu assureras un digne avenir pour la lignée Casterwell. Tant que ton père et moi seront en vie. » Ce qui signifiait gros pour eux. Désormais, il n’était plus seulement question de faire plaisir et de faire honneur à sa famille. Non, c’était une question de vie ou de mort. Sa mère entendait par ces mots des choses logiques pour un sorcier de son rang : avoir un métier haut-placé au ministère (ce dont Julius avait toujours voulu), ne pas ruiner la fortune de la famille, garder une réputation digne de ce nom, épouser une sang-pur, avoir au moins un enfant –un garçon- et lui transmettre les valeurs de la famille et lui assurer également un avenir.
Julius n’avait pas son mot à dire. Les années qui suivirent le firent devenir un être encore plus secret et il adapta un comportement encore plus typique des adolescents de son rang.
Seulement, les humains ont un don pour désirer ce qui leur fait le plus mal
Elle était belle, cette fleur. Elle était fraiche, si différente des autres. Julius serra des dents en froissant les pétales de la rose blanche qu’il avait cueilli dans la serre. Il était indéniablement attiré par elle, par sa douceur et son innocence, tant étrangères à lui. Pas par la rose pardi, mais par cette fille à laquelle il n’arrêtait pas de penser dès qu’il avait un moment de flou. Il la regardait en coin, timidement, mais détournait les yeux dès qu’elle s’en apercevait. Il avait une envie de l’aborder… Mais Julius n’osait pas, il ne s’y résignerait pas, ou alors la discussion tournait court. Il ne s’en approcherait pas, cela lui était interdit. Pas avec son serment, pas avec sa réputation à préserver, pas avec l’honneur des Casterwell à conserver. D’autant plus que la demoiselle en question était loin d’être d’une réputation glorieuse. « La ratée des Potter ». Elle venait d’une famille de sang-pur pourtant. Mais l’avenir de la jeune fille était incertain, sa maison était Poufsouffle, et sa famille n’avait pas les même valeurs que la sienne : c’était un terrain dangereux et il ne prendrait pas le risque de s’y aventurer. Même pas pour elle, Absinthe Potter. Mais lorsque la veille elle s’était blottie dans ses bras, après un chagrin… Il ne put ignorer les sentiments contradictoires qui se bousculaient en lui. L’éviter était peut-être la meilleure de solutions. La plus douloureuse, certes, mais la plus logique. Cette rose, qu’il avait un instant envisagé lui offrir, demeurera sur le sol des serres, piétinée par les allées et venues des élèves. Julius quitta les lieux, amer.
Un jour, peut-être que Julius décidera de prendre son avenir en main. Il réalisera que son destin n’était pas complètement écrit, malgré le serment. Qu’il ne devait pas vivre seulement pour les autres, mais pour lui et pour ce en quoi il croyait réellement. Un jour, oui, peut-être, il en prendra conscience.