C'est en sortant de son cours d'Histoire de la magie, lundi, avec un devoir de quatre parchemins à faire qu'elle l'avait sentie se nicher au creux de son ventre. Et depuis ce début de semaine elle ne l'avait plus quittée et n'avait même cessé de grandir et de lui envahir peu à peu l'esprit jusqu'à lui brouiller complètement les idées. Elle, c'était l'angoisse, la peur. Elle s'était installée suite à ce cours car l'Histoire de la magie est une des seules matières dans laquelle Eva parvient à avoir de bons résultats et la jeune fille se mettait systématiquement la pression pour réussir au mieux ses devoirs. Cet évènement mineur a été suivi par d'autres qui ont au fil de la semaine amplifiés l'angoisse de la demoiselle jusqu'à ce samedi matin où la simple remarque d'un élève la fit craquer.
Eva Kane était habituée à subir les moqueries mais il fallait croire qu'elle avait atteint la limite de ce qu'elle pouvait supporter. Lorsque l'élève avait prononcé ces quelques mots perfides et pourtant sans importance Eva bascula. Son esprit sembla partir dans de lointaines contrées et à la place, résidait cette angoisse dévastatrice et plus forte que tout. La jeune Poufsouffle eut peine à résister à sauter au visage de l'élève qui l'avait insulté mais finit par s'enfuir et se réfugier dans une salle. Elle se cloîtra dans un coin, s'agenouilla et tourna son regard vers le plafond, implorant ce Seigneur qui semblait l'avoir abandonné. Des gouttes de sueurs froides perlaient sur son front, son souffle était court. L'étrange idée que tous ceux qui peuplaient ce château n'étaient là que pour lui faire du mal commença à poindre dans son esprit. Elle avait le sentiment d'être seule contre tous, après tout dans ce château elle était bien la seule à suivre le chemin de Dieu. Ils étaient tous des impies, des hérétiques qui voulaient la réduire à néant. Mais ils ne connaissaient pas la puissance de Dieu et quoiqu'il arrive, Il protégeait Eva, voilà la seule chose dont elle était sûre à cet instant précis.
Ce n'était pas la première fois qu'Eva était atteinte d'une crise que l'on pourrait apparenter à une sorte de paranoïa religieuse. Lors de chaque épisode elle semblait se transformer, la jeune et douce Kane laissait place à une jeune fille au bord de l'hystérie prête à attaquer quiconque s'approcherait d'un peu trop près. Bien heureusement cela ne durait pas très longtemps, soit cela passait tout seul, soit quelqu'un parvenait à la calmer. Peu de monde au château était au courant de ces petites crises qui étaient d'ailleurs relativement rares. Néanmoins, cette fois-ci était bien différente, la Eva de d'habitude qui parvenait toujours à reprendre le contrôle semblait s'être évanouie. Il faut dire que la demoiselle était sujette à de nombreuses pressions et bien qu'elle ait quelques amis à Poudlard, elle avait peine à se confier. Il semblait que la jolie blonde n'avait su résister à cette semaine éprouvante.
Une petite voix me fit sortir du sommeil. Quelqu’un appelait mon nom et je pouvais sentir une main se poser sur mon bras et commencer à me secouer légèrement. Je grognai. Qui osait me réveiller un samedi matin alors que ma semaine avait été particulièrement chargée ? J’ouvrai soudain les yeux, en me rappelant que j’avais demandé à ce qu’on ne me laisse pas dormir : je devais pratiquer des sortilèges ce matin, profitant des salles de classe libres. Je me levai prestement, n’écoutant pas les reproches de ma camarade de dortoir se plaignant de mon ingratitude. Je lui criai un rapide « merci » avant de m’enfermer dans la salle de bain.
Dix minutes plus tard, livres et parchemins sous le bras, je déambulai dans le château à la recherche d’une salle vide, dans un coin tranquille. Le premier étage ? Même pas la peine d’y penser, c’était le niveau de l’infirmerie, et le samedi matin était réservé aux entraînements de Quidditch. Qui dit Quidditch, dit souvent accidents plus ou moins graves. Je risquais d’être dérangée. Le deuxième étage ? Deux mots : Mimi Geignarde. De surcroît, la salle des professeurs ne se trouvant pas loin, je n’avais pas envie que l’un d’eux me voit rater des sorts, mauvais pour la réputation. Je continuai mon périple dans les escaliers, réfléchissant à l’endroit idéal. Il fallait que cette salle soit suffisamment grande pour me permettre des sortilèges d’illusions, et des sortilèges de réduction et d’agrandissement, le tout fait sur des objets en mouvement. Et je ne voulais pas me retrouver en retenue pour avoir casser un carreau…
J’arrivais au troisième étage, et je stoppai ma course. Le couloir semblait désert, seuls quelques tableaux murmuraient et je vis un fantôme traverser le mur de la salle des sabliers des quatre maisons. Après un instant de réflexion, je m’engageai dans ce couloir, il me semblait que la salle proche du vieux laboratoire d’alchimie était spacieuse et peu fréquentée par les élèves.
Je poussai la porte grinçante et la refermai derrière moi. J’hésitai à lancer un sort de verrouillage, mais sachant que même un élève de deuxième année parviendrait à le briser par un simple Alohomora, j’abandonnai cette idée. Balayant la salle du regard, je finis par saisir ma baguette et lançai un sort pour pousser les tables contre le mur du fond. Il me fallait de la place. Et alors que je posai mes livres sur un bureau, j’eus une étrange vision : dans un coin, une jeune fille blonde portant l’écharpe jaune et noire de Poufsouffle était agenouillée et fixait le plafond. Fronçant d’abord les sourcils face à cette scène des plus insolites, je décidai de m’approcher. La jeune fille semblait avoir le souffle court, et ses lèvres remuaient sans émettre aucun son. Je l’observai encore un peu, avant de parcourir les derniers mètres me séparant d’elle. Son attitude m’inquiétait quelque peu, peut-être était-elle souffrante… Tendant une main, je la posai délicatement sur son épaule :
« Excuse-moi… Tout va bien ? Tu veux que je t’emmène à l’infirmerie ? »
Je la scrutai de mon regard de préfète, celui qui dit « vous pouvez compter sur moi, mais gare à vous si vous êtes en faute ».