On nait. On vit. On meurt. Incessante cacophonie de la vie, comme un écho retentissant qui ne cesse de se répéter. Naitre. Vivre. Mourir. C'est ainsi, la vie est un enchainement d'actions et de vérités, vivre pour ce que l'on attends de nous. Et cela est particulièrement vrai lorsque l'on nait dans une famille de sang-pur. Sang-pur. Deux mots, sept lettres. Deux syllabes. Entremêlement de sons qui influencent toute une vie. tout un être. Sang-pur. Naitre pour représenter la grandeur d'une famille de renom. Naitre dans un écrin de soie mais non moins plus qu'une cage dorée. Sang-pur. Ou comment porter l'étendard de la famille. Arborer avec dignité l'honneur de notre nom et la fierté de notre lignée. Vivre pour les autres, enchainés. Bridés. Sang-pur. Des idéaux familiaux qui forgent nos vies comme le veulent les mains qui nous guident comme des pantins désarticulés. Nous ne sommes pas maitres de nos destins, pas si quelqu'un le prends déjà en main. Non. Sang-pur. Ces mots, je ne pourrais dire combien de fois je les ai entendus. Vivre pour représenter ce sang, épouser un sorcier de bonne famille, concevoir un héritier pour continuer de faire vivre cette lignée des plus pures. Sang-pur. Un destin, un présent. Une vie. Sang-pur.


Je courrais. Sur mes pieds je ne sentais rien d'autre que la douceur de l'herbe, la fraicheur de la rosée. Les branches griffaient mon visage, traçant de longues mais peu profondes estafilades écarlates sur ma peau d'opale, mais ça m'était égal. Je courrais. Sentant l'air pur remplir mes poumons, le vent fouetter mon visage et mes cheveux voler derrière moi telle une flamme dorée. Rien n'avait d'importance. Ni les branches du bois qui bordait le manoir qui agrippaient telles des griffes, ni la boue qui salissait mes jambes. Rien. Rien que le souffle ardent de la liberté qui me poussait comme le vent dans les voiles d'un bateau ivre de vie. J'étais libre. Libre de vivre, de respirer. Libre. « Lullaby ! » Un mot. Un nom, crié au loin. Comme un fouet qui claque tout à coup me stoppant net. Je poussais un soupir en revenant sur mes pas, donnant un coup de pied rageur dans un caillou tandis que je retourne vers le manoir. Un instant, j'étais partie, profitant d'un moment inattention de ma mère pour retourner jouer dehors, libre, seule. Un instant d'évasion trop vite brisé. J'avais dix ans. Des milliers de choses à raconter, et encore des milliers d'autres à vivre. Dix ans de rires. Dix ans de rêves. Dix ans de candeur. Dix ans. « Ah te voilà ! Tu étais encore partie dehors, mais regarde toi, tu es trempée et toute salie ! » s'énerva ma mère en essuyant mes vêtements de gestes frénétiques. « Tu es une Yaxley, Lullaby une Yaxley. Cesse donc de vouloir courir toujours, ce n'est pas convenable. » Je ne répondis rien, connaissant ce discours sur le bout des doigts. J'écoutais d'une oreille distraite, mais quelque chose en moi soufflait qu'elle avait raison, alors qu'on fond, je sentais que je ne voulais que courir, rire, sauter, voler. Utopie enfantine, entremêlement d'innocence et de rêves incertains. Je voulais vivre autre chose, sans en être sure. Et pourtant, un destin se dessinait devant moi, sombre, ennuyeux, mais présent. Un chemin que je devait prendre, sans le vouloir, mais je le devait. Tout me poussait vers ce chemin sans que je puisse y faire quelque chose. Je n'avais pas le choix, je le savais, car j'étais née pour ce destin, née pour porter l'étendard de cette famille de renom. Une voie toute tracée. Un destin déjà écrit.
Poudlard. Une nouvelle courbe dans la voie de mon existence, essentielle. Des années étaient passées. A peine un battement de cil tant j'avais l'impression de ne pas m'avoir vue grandir. Hier encore, je me voyais enfant, rêveuse et idéaliste. Une poupée riant aux éclats dans les jardins du manoir Yaxley, ignorant les maux et les peines. Et me voilà, Lullaby Yaxley : la froide, la frigide. L'élève modèle par excellence. Je ne rêvais plus, où alors durant de rares moments ou personne ne me voyais. La fierté de ma famille, ce que l'on attendais de moi. Voilà ce que j'étais devenue, une poupée de chiffon qui ne savais pas dire non. Car c'est ainsi que j’avais été élevée. « Lulla, est-tu heureuse ? » Je restais un instant silencieuse, observant mon ami les sourcils légèrement froncés. Surprise par la voix de mon ami qui avait soudainement brisé le silence de la bibliothèque ou nous étions installés. Heureuse ? Oui je l'étais. Bien-sur. J'avais tout, tout ce dont je pouvais rêver. Les plus beaux bijoux et les vêtements les plus exquis, les richesses et la popularité. J'avais des amis, un avenir tout tracé. Devant moi s'étendait une voie pavée de marbre, brillante. Promesse de gloire et de rêves. Oui, j'étais heureuse, que pouvais-je dire d'autre ? « Oui. Bien-sur. Pourquoi ça ? » Mon meilleur ami, comme souvent, se contenta d'un sourire énigmatique. Il me connaissait par cœur, parfois mieux que moi même. Il était lui même de sang pur. Nous avions grandi ensemble. Étudié ensemble. Tout fait ensemble. Comme moi il connaissait le poids de la fierté de nos lignés. « Bon, je te laisse. J'ai bien avancé sur ce devoir et je suis crevée. » Il m'adressa un clin d’œil alors que je quittais la bibliothèque en sentant autour de moi les regards et les murmures. Yaxley. Un nom. Synonyme de grandeur et de majesté, une lignée qui mettait la pureté du sang au rand d'utopie. Une famille crainte et respectée tout à la fois. Un nom qui transpirait la magie noire comme un poison s'insinuant dans les veines. Une lignée frappée d'anathème tant elle inspirait la peur dans les coeur. Yaxley, un cadeau et un fardeau. Comme les deux faces d'une même pièce. A Poudlard j'avais toujours été connue ainsi, la fille Yaxley. Moi Lullaby, l'héritière superbe. Une Reine de cœur dans un jeu de milles cartes. La fille qui avait toujours le nez dans ses bouquins. L'intouchable, prude et douce. Et pourtant, la flamme qui, petite, brillait dans mon cœur et mon âme était-elle toujours présente ? Où était Lulla derrière Yaxley la frigide ? Tant de questions qui fourmillaient dans mon esprit lorsque le miroir du regard des autres me renvoyait au visage ma condition.

Dis-moi, Lullaby, es-tu heureuse ?


« Lullaby, un sang-de-bourbe se tiendrait mieux. » Six mots. Six flèches parfaitement ajustées. Mon père n'avait pas haussé la voix, et pourtant l'effet fut immédiat, je corrigeai mes appuis, fléchissant légèrement les jambes et tendit ma baguette devant moi, les yeux fixés sur le mannequin qui me servait à m'entrainer à la magie noire. Nous étions en plein été, dehors le soleil se levait à peine éclairant de sa lumière rosée les plaines Écossaises. Comme souvent, mon père m'avait convié de bon matin à une séance d'entrainement au duel de sorciers. Un léger sourire se dessina sur mon visage à l'idée que mes camarades devaient être bien au chaud pelotonnés dans leurs lits, surement encore voyageurs égarés dans le doux empire des songes. Mais je n'était pas les autres. J'étais Lullaby Yaxley, et quand on porte ce nom là, on ne se permet pas ce genre de fantaisies. « Un peu de concentration, jeune fille. » Autres flèches qui transperçaient mes défenses avec aisance, comme si elle n'avaient été qu'illusions. « Pardonnez-moi. » murmurais-je entre mes dents alors que mon esprit à nouveau s'intéressait au mannequin de bois et de tissus qui siégeait au milieu de la salle d'entrainement du manoir. Lorsque j'étais petite et que je voyais mon père et ses amis s'entrainer sans relâcher contre cette figure humanoïde désarticulée, j'avais développé une véritable phobie envers ce mannequin bien trop ressemblant à un véritable humain à mon gout. Tellement que durant mes nuits les plus sombres, ce pantin envahissait mes songes en un entrelacs de formes humaines exacerbées, hurlant de douleur alors que les éclairs verts des sortilèges pleuvaient sur eux. Je me rappelle encore de la peur qui enserrait mes entrailles dans un étau de feu alors que, à douze ans, j'avais pour la première fois eu à affronter ce mannequin. Je poussais un soupir, reprenant mes esprits avant de subir une autre des remontrances acides de mon père. « Endoloris. » Parfait écho à la réalité, le mannequin se tordit dans tous les sens, réaliste au point que j'entendais presque les cris de douleur aigus émaner de ses lèvres de bois closes. Quel effet cela faisait-il donc sur une réelle personne ? La question effleura mon esprit sans que je ne parvienne à l’attraper totalement. Fugace réflexion d'un esprit perdu entre deux mondes. Comme un papillon immaculé qui se pose lentement avant de disparaitre dans le firmament ténébreux, me laissant seule avec mes actes. Seule avec mes choix Seule. « Bien, ce n'est pas mal. » Un sentiments de fierté monta en flèche en moi, chassant les doutes et les questions. Un compliment de mon père était rare, et je savais prendre chacun comme un cadeau du ciel. Chacun de ces mots, qui s'ils ne perdaient guère leur dureté, emplissait d'un bonheur sans nom mon être. Il était fier de moi, le reste n'avait pas d'importance.