Jenna et Gareth Price avaient des idées bien arrêtées sur l’éducation de leurs enfants et considéraient chacun d’entre eux comme un individu à part entière, dont il fallait à tout prix favoriser l’épanouissement. Anciens hippies, souvent jugés laxistes et étranges, ils prenaient la vie comme une sorte de cadeau dont il fallait profiter sans jamais se laisser emporter par des émotions désagréables, telle que la colère. Ils avaient donné naissance à sept enfants, dont la dernière, unique fille de la fratrie, s’avèrerait par la suite plus spéciale que tous les autres.
Orla garda toujours de son enfance une impression permanente de joyeux désordre. Oui, cet environnement était pour le moins chaleureux, mais avait un inconvénient au sein d’une famille si nombreuses : personne ne s’écoutait jamais. Est-ce cela qui fit de la jeune fille un véritable moulin à paroles? Difficile à dire, mais le fait est que, rapidement, la petite blonde ressentit le besoin de raconter tout, sans cesse, à ses frères et soeurs, ses parents, ou encore à sa collection de peluches. Qu’il s’agisse d’événements de son quotidien ou des pensées qui pouvaient lui traverser l’esprit, elle ressentait un constant besoin de tout verbaliser, besoin qui devint bientôt une habitude, à la plus grande consternation de ses camarades d’école qui finissaient tôt ou tard par l’éviter, pour cela ainsi que pour bien d’autres raisons. Elle développa en effet des manies étonnantes, voire étranges pour une enfant de son âge, comme celle de collectionner les clefs, une obsession qui ne la quitta jamais et posait de nombreux problèmes à ceux qui osaient laisser de tels objets à sa portée. S’ajoutaient à cela des goûts vestimentaires extrêmement douteux qui devinrent de plus en plus prononcés avec les années, une énergie quasiment inépuisable, la tendance presque pathologique à croire en des choses qui semblent ne pas exister, ainsi qu’un amour presque viscéral pour toute créature à poils, plumes ou écailles. Y compris les insectes.
Oui, Orla était étrange, très étrange, et par conséquent, elle fut souvent objet de moqueries à l’école de la part de certains élèves. Cependant, celles-ci restaient limités, ses frères n’appréciant pas beaucoup que l’on puisse s’en prendre à leur petite soeur. Et puis, la fillette était au fond si adorable, ouverte et serviable que la plupart des gens finissaient par passer au-dessus de ses bizarreries.

Car des bizarreries, elle en avait, et plus qu’elle-même ne l’imaginait. Au cours de son enfance, elle fut victime d’événements fort étranges, dont elle-même ne parvenait pas à expliquer la cause : comme la fois où elle tomba dans un lac à peine gelé et où une solide branche apparut de nulle-part, l’empêchant de justesse de se noyer, mésaventure qui fut à l’origine d’une véritable phobie. Ou encore le jour où l’un des enfants de sa classe qui s’était moqué de ses vêtements se retrouva atteint de varicelle juste au moment où elle le souhaitait ardemment.
Son existence se trouva parsemée de ces petits éléments étranges, auxquels chacun tentait de donner une explication valable et raisonnable. Cette situation dura jusqu’à l’année où Orla devait fêter ses onze ans. Elle reçut alors une lettre bien étrange, qui lui annonçait qu’en tant que sorcière, elle était invitée à étudier Hogwarts, célèbre école de sorcellerie. Bien sûr, tout le monde crut à une mauvaise plaisanterie, sauf la petite blonde, qui avait toujours été intimement persuadée que ces créatures fantastiques existaient réellement, et qui rêvait d’en être elle-même une. Et quand bien d’autres lettres du même acabit atterrirent dans la boîte-aux-lettres des Price, il fallut bien admettre qu’il existait une possibilité pour que tout ceci soit vrai. Passés les premiers instants de surprise, toute la famille finit par se réjouir de contenir parmi ses membres une petite sorcière.

Son arrivée à Hogwarts fut encore plus incroyable qu’elle l’avait imaginée au départ. Enfant de moldu, elle eut l’occasion de découvrir un univers qui lui était totalement inconnu, quand il semblait si familier à d’autres. Néanmoins, elle était avide d’apprendre et ne cessait de poser des questions sur ces multiples nouveautés. Au sein de sa maison, elle trouva une seconde famille. Oui, on la trouvait étrange et son agitation permanente avait tendance à rebuter dans un premier temps, mais elle était si gentille et accueillante qu’elle se fit rapidement une place à l’école, devenant même quelques années plus tard, membre de l’équipe de Quidditch de sa maison. On prenait l’habitude de la voir débouler telle une furie avec Sid, son chat noir plutôt laid, sur ses talons.
Elle n’avait jamais été une élève studieuse, et pour la première fois de sa vie, elle fut impatiente de commencer les cours. Elle fut cependant rapidement déçue de constater que, si certains étaient passionnants, d’autres étaient absolument rasoirs et que la magie était loin d’être un art simple. Maladroite, gaffeuse et impatiente mais maligne et débrouillarde, elle était vue comme une élève correcte, parfois médiocre, sauf lorsqu’il s’agissait, bien sûre, des créatures magiques et des cours de vol, mais également, de manière tout-à-fait inattendue, des potions, qui demandaient une précision extrême dont on l’aurait difficilement crue capable. Et pourtant, elle s’avéra plutôt douée, en particulier lorsqu’il s’agissait de la confection de poisons, si bien que la plupart des élèves qui se moquaient de ses bizarreries ou de ses goûts vestimentaires cessèrent, de crainte de se retrouver un matin couverts de verrues.

Les années passèrent et elle trouva un véritable équilibre entre la sorcière qu’elle était, ainsi que ses racines moldues. Fidèle à elle-même, elle finit par se lasser des études et souhaita se lancer dans la vie active, sans malheureusement savoir très bien quoi faire. Elle finit par choisir le parcours de Contrôle et régulation des créatures magiques, sans être vraiment certaine de vouloir faire sa vie dans ce domaine. Oh, elle ne songea jamais sérieusement à quitter Hogwarts, en grande partie parce que c’était le lieu où se trouvait Xenophilius Lovegood. Depuis le jour où elle posa les yeux sur lui, elle n’eut de cesse de le suivre partout et de lui témoigner son intérêt de la manière la plus bruyante possible, sans sembler prendre conscience qu’il pouvait éventuellement ne pas apprécier sa présence. Elle demeurait intimement persuadée qu’il partageait ses sentiments, même s’il ne s’en rendait pas encore compte...