Cinq jours. Seulement cinq jours que la rentrée avait eu lieu et déjà les élèves croulaient sous le poids des devoirs, voyant leurs premiers jours au château rythmés des habituels cours qu'ils avaient quittés quelques mois plus tôt, leur offrant le doux souvenir du travail et de la connaissance comme si ils n'avaient jamais eu droit qu'à deux mois de répit. Une jeune fille venait de s'endormir sur son grimoire, ses longs cheveux noirs de jais s'étalant sur la table pour tomber en cascade sur le rebord de la table, incapable d'entendre et de voir son professeur venant de s'approcher d'elle, un sourcil rehaussé et l'autre froncé. De sa main non-occupée par une demi-douzaine de flacons, il agita sa baguette rapidement et la fille fut réveillée en sursaut lorsqu’elle vit ses cheveux se hérisser et s'enroulant autour de son crâne comme un ruban de maharadja.
« Miss Lewis, je suppose que l'on ne doit pas votre nuit blanche à une révision sur le chapitre de notre cours vu votre piètre devoir. Allez vous réveiller en allant nous chercher un flacon de Kernitflore dans l'armoire pour la seconde partie du sujet d'aujourd'hui. dit Peverus en déposant devant les autres élèves les flacons vides. Et revenez avec une tête plus réveillée que celle d'un Inferi. »
La jeune fille soupira et s'en alla chercher ce que son professeur lui demandait. Les cours de potions elle avait toujours détesté ça, c'était inutile d'après elle et surtout, elle n'aimait pas le professeur Seisyll. Deux ans déjà qu'elle le supportait, lui et ses drôles de manières. Ainsi que sa femme, tout aussi étrange et qui lui déplaisait par sa bonne humeur. D'après elle, des professeurs devaient agir autrement, ce n'était pas l'image que chaque étudiant pouvait avoir de ses enseignants. Elle devait accepter en revanche que son professeur de potions et poisons était du genre dur, sévère et ambitieux dans ce domaine, ce qui n'était pas regrettable pour la progression et le travail scolaire nécessaire. On sait qu'il avait été chercheur auparavant et elle croyait en la théorie de nombreux élèves qui rapportaient que s'il était à Poudlard désormais, c'est parce qu'une expérience aurait mal tournée et lui aurait dézinguée une partie du cerveau.
Trainant les pieds elle revint vers son professeur, les mains dans les poches de son veston, n'apportant aucunement ce qu'on lui avait demandé. Y'en avait plus, c'était pas de sa faute après tout. C'était de la faute de ce prof qui se pinçait l'arrête du nez en lui lançant que ce n'était pas grave, qu'il allait en chercher et qu'il revenait dans dix minutes, en espérant ne pas la retrouver endormie sur son cours. Chose qu'elle entrepris rapidement de faire à peine son professeur eu traversé la porte pour s'engouffrer hors des cachots.
Peverus marchait d'un pas long et vif, il n'avait pas envie de laisser trop longtemps ses élèves seuls. Les quatrième année étaient assez matures pour ne plus laisser des mauvaises surprises dans son thé quotidien ou pour coller toutes les pages des grimoires ensemble, mais en revanche, ils étaient tout à fait capables de faire exploser le local à cause d'une malheureuse manipulation des chaudrons. Il préférait donc aller vite et traversa les couloirs pour atteindre peu à peu et après plusieurs volées de marches, les serres du domaine.
Il n'avait jamais trop apprécié les plantes, ne les côtoyant que pour ses potions et de préférence uniquement celles qui étaient mortes et qui ne risquaient pas de lui arracher une main ou de le rendre aveugle avec leur jus. Parfois, il se disait même qu'être botaniste était plus dangereux que potioniste.
Poussant de son épaule la porte de l'entrée, sale et verte, il entra dans la première serre et aussitôt une odeur d'humidité, de terreau et de menthe lui sauta au nez, l'étouffant d'une ambiance bien différente que ses cachots renfermés, sans lumière et frais. Le soleil semblait se refléter sur chaque feuille, sur chaque parcelle de terre tandis que d'autres étaient entourées de brume et d'obscurité pour le bien de chaque plante. Cela devait représenter un vrai travail d'entretien pour le professeur de botanique.
Peverus manqua de se faire découper le nez par une fleur-courgette à dents et s'aventura dans le reste de la serre, cherchant son collègue qui le dépannerait pour son problème d'ingrédients. Alors qu'il cherchait la traditionnelle écharpe mauve de l’enseignant, il se rappela que celui-ci avait cessé toute activité scolaire depuis quelques semaines et qu'il ne pouvait donc pas le croiser. A la place, il distingua entre deux -horribles- plantes, une tignasse brune appartenant à un homme près d'eux. Surpris mais se rappelant que le directeur avait annoncé la venue prochaine d'un nouveau professeur le remplaçant, Peverus sortit de l'allée verte, écartant au passage de grandes et hautes plantes avant de tendre poliment sa petite caisse en bois pour la récolte.
« Excusez-moi monsieur, vous devez être le nouveau professeur de botanique. Je suis navré de vous déranger,mais je viens juste vous... »
Et il cru que son cerveau eut un raté de plusieurs secondes. Devant lui, un homme, un homme qu'il connaissait.
Lui ? Un homme qu'il avait brisé peu de temps avant. Une histoire qu'il aurait aimé oublié, qu'il n'aurait jamais du subir, comme toutes les histoires tragiques d'ailleurs. Il n'avait jamais voulu échapper à quoique ce soit, Peverus n'était pas lâche, il savait affronter les choses. Mais cette histoire là était de trop, les choses avaient été tellement compliquée et même si il n'était pas entièrement responsable, il vivait avec une certaine culpabilité depuis.
Alors, toujours sous le choc, il lâcha lentement sa boite qui vint s'écraser sur le sol, perdant un morceau de son bois et provoquant un bruit soudain qui fit retourner le nouveau professeur vers Peverus, lui prouvant que oui, il était bien face à un fantôme du passé.