absinthe & billie - atrium.

Le petit-déjeuner. Le moment le plus important de la journée et le repas préféré de Billie. Elle ne le ratait presque jamais, si ce n'est pendant les périodes où elle tombait en dépression et où elle n'avalait plus rien durant des jours entiers. Elle arrivait toujours à l'ouverture de la Grande Salle, un peu avant l'aube, pour n'avoir à croiser qu'une dizaine d'élèves de Poudlard. Quand elle s'installait à la table des serdaigle, ils n'étaient que quinze ou seize à prendre leur petit-déjeuner, toutes maisons confondues. Elle n'avait pas à supporter les moqueries incessantes de ses camarades. De bon matin, sa capacité à encaisser les humiliations diverses et variées qu'elle subissait chaque jour était au plus bas et sans son café noir, elle craquait à la moindre parole blessante, que celle-ci lui soit adressée ou non. L'habitude lui avait permis de passer outre, mais il y avait des moments comme le petit-déjeuner où elle ne supportait plus tout cela, malgré les années. Cela faisait sept ans qu'elle avait fait sa toute première rentrée à Poudlard, et cela faisait sept ans que les plus méchants élèves de l'école lui rendaient la vie impossible. Elle avait fini par se forger une carapace infranchissable, dure comme de l'acier, qui résistait à tout, ou presque. Mais il y avait toujours quelqu'un pour trouver la faille, la fissure, et l'exploiter au maximum pour faire craquer sa protection. Il lui fallait alors plusieurs semaines pour en recréer une nouvelle et c'était souvent pendant ce laps de temps, qui pouvait durer de plusieurs jours à des semaines, que Billie tombait en dépression. Alors, plus rien n'avait d'importance. Ni la nourriture, ni les cours... elle perdait le goût de tout et s'énervait pour un rien. Elle passait des heures à pleurer jusqu'à ce que ses yeux brûlent et que sa tête explose. Jusqu'à s'en rendre malade. L'hiver était déjà bien avancé. Les températures étaient rarement positives et le parc était recouvert d'une neige immaculée. Des traces de pas menaient vers les serres où les cours de botanique étaient délivrés et vers le lac gelé. Le vent rendait l'air piquant et Billie s'habilla en conséquence. Après avoir pris son petit-déjeuner, elle était remontée dans sa salle commune pour se changer et profiter de sa journée de libre. Elle ne savait pas encore ce qu'elle pourrait bien faire dehors, mais elle sentait qu'elle avait besoin de se changer les idées et quoi de mieux que l'air frais de ce début de matinée pour se ressourcer? Elle se vêtit de sa plus chaude cape et enfila blouson, gants, écharpe aux couleurs de sa maison et bonnet. Elle avait raté presque une semaine de cours quelques jours auparavant et si elle voulait rattraper tout ce qui avait été fait en classe, elle ne devait surtout pas tomber malade. Arrivée sur le perron, Billie marqua un temps d'arrêt. Tous les élèves étaient enfermés au chaud dans leur salle commune, elle avait donc le parc pour elle toute seule. Waouh. Le paysage était grandiose. Une étendue blanche, à perte de vue, les arbres de la forêt interdite couverts de poudreuse, le lac complètement gelé... le temps semblait figé. Seuls les flocons de neige tombant délicatement sur le sol prouvaient que le temps ne s'était pas complètement arrêté. Et puis, au loin, près de l'atrium, on pouvait apercevoir une silhouette menue se déplacer, un livre sous le bras. Absinthe. Billie aurait pu la reconnaître entre mille. Ses cheveux bruns qui ondulaient sous la brise. Sa façon de marcher, de se tenir. Elle la connaissait par coeur. Rien ne lui échappait. Elle savait ce qu'elle mangeait le matin et à quelle place elle s'installait toujours quand elle allait à la bibliothèque. Elle avait même appris son emploi du temps. La perfection. Son modèle. Quand elle vit la jeune poufsouffle s'asseoir sur un des bancs de l'atrium, ouvrant son livre sur ses genoux, Billie décida qu'elle devait aller voir ça de plus près. De quelle manière travaillait-elle? Elle se devait de faire pareil ! Elle devait être aussi intelligente qu'elle. Par tous les moyens. Quitte à copier sa façon d'apprendre ses cours, de prendre des notes... Accio livre. Immédiatement, elle rangea sa baguette. Depuis l'arrivée de Cordélia Dolohov, secrétaire d'état du ministère, il était interdit de faire de la magie en-dehors des salles de classe. Si elle se faisait attraper, elle ne donnait pas chère de sa peau. Le livre d'Absinthe, qu'elle lui avait prêté quelques semaines plus tôt, devait à présent voler dans les couloirs du château, descendant de la salle commune des serdaigle, dans la plus haute tour de l'école, jusqu'au rez-de-chaussée où elle se trouvait.
Quelques secondes plus tard, l'ouvrage se trouvait dans ses mains et elle se dirigeait d'un pas décidé vers l'atrium. Malgré la neige, le soleil brillait haut et fort. Pas assez pour réchauffer l'air glacial. Billie avait l'impression de traverser un fantôme. Frissonnante, elle s'arrêta à quelques mètres d'Absinthe, hors de sa vue, cachée derrière des feuillages. En revanche, elle ne s'attendait pas à voir la poufsouffle se crisper sur le banc et se retourner brusquement, la main sur le coeur. ❝ Non d'un gobelin ! Billie.. tu m'as fait une de ces peurs.. ❞ Elle ramassa son livre, tombé par terre quand elle avait sursauté. La jeune serdaigle en avait eu le souffle coupé. Elle n'était pas censée se faire prendre en train d'observer Absinthe. Elle devait rester discrète, ne pas l'effrayer par son attitude. Elle n'était qu'une idiote ! La poufsouffle lui fit signe de prendre place à ses côtés. ❝ Je... je suis désolée, Absinthe... Je ne voulais pas te faire peur. ❞ Les joues rougies par le froid et par la gêne, Billie s'installa sur le banc, le livre emprunté sur les genoux. Elle enfouie son nez dans son écharpe. ❝ Que faisais-tu derrière ce buisson ?! Tu cherchais quelque chose ?! ❞ Merci, mon dieu. Elle serra ses doigts gantés autour du bouquin d'Absinthe. Elle n'avait pas risqué de se faire punir pour rien. ❝ Je te ramène le livre que je t'ai emprunté, tu te souviens? Il était passionnant, j'ai adoré le lire. ❞ Par politesse, Billie avait sortie son nez de l'écharpe et on pouvait maintenant admirer une jolie couleur rouge sur ses joues. ❝ Je... je te remercie, Absinthe. ❞ Elle lui tendit l'ouvrage avec un grand sourire. Quitte à se taper la honte, autant faire comme si de rien n'était.

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La neige tombait à gros flocons, mais ni Absinthe, ni Billie ne semblaient décidées à retourner à l'intérieur du château. Pour s'échanger des bouquins, il n'était vraiment pas nécessaire de se geler les fesses dehors, mais cela ne dérangeait pas les deux jeunes filles, et surtout pas la serdaigle qui était on ne peut plus heureuse de pouvoir discuter avec Absinthe sans que personne ne puisse les déranger. Aucun élève ayant un minimum de jugeote ne se rendrait dans le parc à cette heure-ci et avec un temps pareil. Elles étaient tranquilles, pour une fois. Personne ne viendrait briser ce moment pour satisfaire une brusque envie d'insulter une inconnue. Pendant ces instants, elle avait l'impression de revivre. Elle revenait peu à peu dans la vraie vie, souriante et joyeuse, pour profiter de ces parenthèses inattendues, jusqu'à ce qu'un abruti mette fin à son bonheur. ❝ Ne me remercie pas c'était un plaisir de te le prêter. Et si tu as besoin d'autre chose n'hésite surtout pas à me le demander. ❞ Comme d'habitude, elle était d'une gentillesse et d'une générosité extrême. Si elle n'avait pas eu si peur de lui mettre la honte, Billie adorerait passer des heures avec elle, rien que pour se sentir appréciée. L'idée était tentante, mais elle aimait trop Absinthe pour lui infliger cela. Elle ne connaissait que peu de choses sur la jeune poufsouffle mais avec son physique et son sourire ravageur, elle devait en faire tomber raide dingue plus d'un. Elle n'avait aucun droit de lui ruiner sa réputation qu'elle imaginait parfaite. ❝ Tu es un amour, merci. ❞ murmura-t-elle. La serdaigle n'osait pas élever la voix, comme si parler plus fort briserait l'instant présent. Elle s'attendait à voir débarquer ses bourreaux d'une minute à l'autre, bien que cela était fortement improbable. Un samedi matin, ces feignants qui n'avaient aucun autre but dans leur vie que de lui pourrir l'existence devait surement dormir au lieu d'utiliser leur temps pour des causes utiles, comme travailler ou profiter de leurs amis. Si amis ils avaient, bien entendu. S'ils les traitaient avec autant d'égard qu'ils traitaient Billie, elle n'était pas convaincue qu'ils en aient beaucoup. ❝ Sinon comment vas tu ?! Cela faisais un moment que je ne t'avais pas vue. ❞ Encore et toujours les mêmes questions. Mais le sourire qu'Absinthe lui offrit suffit à Billie pour faire disparaître son agacement. Elle n'aimait pas parler des périodes où elle ne venait ni en cours, ni dans la grande salle pour déprimer tranquillement dans son lit. Elle n'expliquait pas ces phases qui rythmaient sa vie, mais elle ne pouvait pas faire comme si cette souffrance qu'elle ressentait dans chacun de ses nerfs à vifs n'existait pas. Elle était continue, constante. Sans arrêt. Il lui était impossible de passer à côté pour vivre normalement. Cette douleur finissait par s'estomper toute seule, au fil des jours. Encore une fois, Billie fut reconnaissante envers Absinthe qui avait été une des seules à avoir remarqué son absence. ❝ Oui, j'ai été... malade. Rien de grave, bien sûr, mais je n'ai pas pu sortir du dortoir. J'ai la santé fragile, tu sais... ❞ Et ses bourreaux, le poing facile, surtout. La moitié du temps, elle souffrait d'une de ces crises qui l'empêchaient même d'ouvrir la bouche, et le reste, elle le passait à panser ses plaies quand un des élèves de Poudlard avait voulu se défouler sur elle et s'était un peu trop acharné. Elle avait l'habitude, son corps marqué le prouvait. Ces traces indélébiles qui lui donnaient la nausée. ❝ Mais à part ça, ça va, je fais aller tranquillement, et toi? ❞ Un mensonge de plus. Billie allait passer spécialiste dans l'art de cacher la vérité à ses amis. Elle sourit timidement, contente de pouvoir pour quelques instants, s'évader auprès d'Absinthe.