UNE BELLE OPPORTUNITÉ DÉPRÉCIÉE ⊱ Contrairement aux autres étudiants de l’institut, jamais je n’ai jamais considéré Durmstrang comme une seconde maison, bien loin de là. Il règne en cet endroit une ambiance des plus austères, un sentiment de puissance oppressant… L’étudiant y est catalogué dès les premiers pas franchis sur les dalles de l’école. Êtes-vous enfants de moldus ou sang-mêlé que vous vous retrouverez automatiquement dans la classe des serviteurs. Au mieux pourront-ils être grand intendant ou valet. Née-femme, votre place se retrouve automatiquement chez les dames, pour peu que la nature de votre sang convienne au rang qu’il est convenu. Messieurs, nobles, vous serez automatiquement envoyés chez les maitres. Il arrive toutefois que le miroir d’Heimdall fasse un choix qui vous déplaise, mais ce n’est là que pour votre bien, il vous en assure. Dès lors, dès votre rang trouvé, vous voilà cataloguée jusqu’à la fin de votre vie, au mieux, de votre scolarité. Je n’avais nulle appréhension en pénétrant dans la salle de la répartition, mon rang, mon sang mêlé bien des siècles auparavant, ne présentait aucun risque que je sois envoyée ailleurs que chez les Dames. Là se trouvait ma place, comme tant d’autres jeune filles de mon âge et de ma condition. Rien n’aurait put troubler cette destinée. Tout du moins, je le pensais réellement, car ne fus-je devant le miroir que ce dernier se brouilla en deux parcelles de blason, celui-là même qui m’était destiné, et bien pire encore. Je ne pouvais tomber mal après tout, et ne pouvait déjà qu’entrevoir le destin funeste qui m’était réservé : risée du beau monde, risée de ma famille… Car au côté de la Dame, se voulait le Maitre, un rang qui ne m’était guère accessible de par mon sexe. Le miroir perdait-il la raison ? Je sens le glas qui sonne, la respiration qui se coupe. Karkaroff lui-même n’ose entrevoir la réponse. L’on s’agite et m’emmène loin du miroir maudit. Mon sort en est jeté, je ne peux protester, mon handicap ne me le permet guère de toute manière. S’en suit la directrice des Dames, des Maitres, me voilà enfermée avec le corps professoral dans la salle que je n’avais pas même remarquée. « C’est inconcevable ! Une élève ne peut appartenir à deux institutions ! Pis encore ! Une femme ne PEUT se rendre chez les maitres ! C’est hors de question ! La réputation de l’école est en jeu ! » Pire que tout, c’était se mettre chacun à dos, mon handicap était déjà sujet à controverse dans les rangs, n’avais-je pas déjà eu à faire aux moqueurs malgré le nom de ma famille ? « Calmez-vous Igor, le miroir en a décidé ainsi… » Un silence, alors que le directeur des Maîtres se décide enfin à prendre la parole, allant presque jusqu’à prendre mon parti me semble t’il… « Oubliez-vous tous deux qu’il y à déjà eu des antécédents ? Trois me semble t’il au cours des huit derniers siècles. Cela n’est pas une tare après tout… Mais votre scolarité, jeune fille, sera bousculée à chaque année, par des matières qui vous seront ajoutées. De surcroit, votre mutisme oblige à des cours particuliers. Il vous incombe le choix pourtant… Soit vous rejoignez les dames et votre emploi du temps sera le même que les étudiantes qui s’y trouve… Ou rejoignez les Maîtres et les cours de ces dames seront ajoutés à vos occupations scolaires. » On me laissait le choix. La facilité, ou prouver ma détermination à me faire une place dans l’école. La bienséance contre la risée. « Comprenez de même que vous êtes unique en votre genre, c’est un privilège et non pas une tare. » J’acquiesçais enfin à ce qu’il m’était dit, faisant part de ma réponse, que l’on ne tarderait plus à annoncer officiellement. De l’estrade, je pouvais voir le regard furieux de mon jumeau, et ne put que deviner ses pensées : j’allais lui faire honte tant qu’il ne comprendrait pas. Se posa bien des problèmes finalement, malgré mon statut unique, malgré l’annonce officielle de la réelle signification de la répartition qui avait eu lieu. Une femme dans les rangs d’homme ? Où allais-je dormir, dans les dortoirs des maitres ou dans celui des dames ? Comment allais-je suivre tous les cours ? Comment mettre en place les diverses coutumes qui incombaient les maitres et les dames ? Quel uniforme allais-je devoir porter ? Il fut finalement décidé que de par mon sexe, je dormirais chez les dames, mangerai avec les hommes, porterait une robe de Dame plus courte et aux couleurs des maîtres… Et j’eus le plaisir de faire connaissance avec le retourneur de temps, tout cela sous la surveillance d’une intendante de l’école. Baba yaga ait pitié de moi ! J’avais la moitié de l’école à dos, les dames me méprisaient, les maitres m’ignoraient, n’avais-je pour soutient que le corps professoral, m’instruisant de sorte que je ne perde jamais le nord. Il me fallut m’imposer, me montrer plus rusée que les demoiselles, plus ardente que les messieurs… Meilleure qu’eux tous, sans jamais atteindre cette perfection que je désirais atteindre. Assistais aux cours de bienséance des Dames, aux combats des messieurs. Devenir folle de rage, pleurer d’amertume, apprendre à tout dissimuler, demeurer fière, tête haute, jusqu’à finalement obtenir le respect de chacun grâce à la maturité, en faisant mes preuves, en dédaignant les principes, en en adoptant d’autres, en me glissant dans la peau d’un immuable serpent avide de survie. J’étais, je suis, je serai.

L'INDIFFÉRENCE DE LA DESTINÉE ⊱Effrayée, confuse, perdue… je ne comprenais pas ce qui nous arrivait, ce qui était en train de se dérouler sous nos regards incertains. L’expérience avait mal tourné, celle à laquelle je n’avais pas même voulu participer, celle que mon jumeau pensait alors aussi innocente que peu dangereuse. Mensonge. Il n’avait rien écouté, il n’avait pas fait attention… et ce soir, nous étions tous trois dans ce même pétrin, lui, son meilleur ami, et moi-même. Pourquoi moi ? Parce qu’à sa connaissance, j’étais aussi innocente que le jour de notre naissance. Il avait pourtant oublié un paramètre en compte, un détail si important qu’il allait nous coûter la vie. Repoussant une mèche de cheveux qui me cachait le visage, j’observais l’étrange tourbillon qui ne cessait de grandir, prenant un peu trop d’ampleur. La magie a toujours un prix… d’autant plus lorsqu’elle aussi sombre que les abysses elles-mêmes. « EHRZA ! » La voix de mon jumeau m’attira aussitôt, alors qu’il me hurlait de nouveau autre chose que je ne compris pas. Me demandait-il de l’aider ? De me sauver ? Je ne comprenais rien… Je voulais le rejoindre, je voulais que nous partions d’ici, que nous laissions le chaudron s’embraser de lui-même, hélas… Aucun membre de mon pauvre corps ne semblait décidé à bouger, effrayé, ou me préservant, je n’aurai su le dire. Une première explosion, et soudainement, je sentis ma gorge me brûler, la tristesse m’envahir au plus profond de mon être, comme si chaque fibre de mon corps se mourrait. Je voulais hurler, mais chacun ici savait que mon mutisme nous empêchait de compter là dessus. Un regard par dessus l’une des tables me permit d’évaluer de nouveau la situation… Et de rester aussi horrifiée que quelques secondes plus tôt… Allongé sur le sol, je pouvais reconnaître Pierrick, le corps désormais sans vie, délivré de celle-ci par l’explosion du chaudron. Un nouveau bruit m’incita à me cacher de nouveau derrière ma planche de bois, à moitié consciente que ma moitié n’était pas aussi protégée que je pouvais l’être. Une nouvelle explosion, et moins de quelques secondes plus tard, ce fut tout mon être qui s’embrasa d’une douleur aussi insurmontable qu’effrayante. La peine m’envahit aussi promptement, m’obligeant à ouvrir la gorge sous la douleur, exhortant mes lèvres à laisser glisser un hurlement aussi long que strident, alertant mes sens, mais ne parvenant pas à me débarrasser de cette douleur qui venait d’envahir mon cœur et mon âme. Le hurlement de la Banshee, la malédiction qui venait de me prendre aux tripes sous le décès trop prématuré de mon frère. Son corps sans vie tourné vers moi, sans que je ne puisse rien faire pour arrêter de hurler, sans que je ne puisse me diriger vers lui. Combien de temps restais-je ainsi ? Je n’aurai su le dire, pas avant que des bras ne viennent m’ôter de la vue de cet être qui m’était si cher alors. Trop de voix me bousculant, m’exhortant à glisser la vérité sur ce qui venait de se passer, alors que mon cœur se déchirait de lui-même, brisé par l’indifférence de ce destin. Je n’entendis qu’une chose alors. « C’est une banshee, elle ne peut pas rester ici. » Ma vie… avait-elle alors un sens ? Mon frère venait de me quitter, et j’allais moi-même devoir quitter à jamais cette école. Aucune échappatoire cette fois, alors qu’une volute de fumée noire vint se glisser autour de moi, une mère aussi éplorée que je pouvais l’être, et cherchant à me réconforter en vain. J’étais seule au monde.

TRY AGAIN LITTLE BANSHEE ⊱Mon existence… avait elle seulement encore un sens aujourd’hui ? D’autres semblaient le croire. Mon père, ma mère… Quand je ne croyais plus en rien. Le manoir me semblait terriblement vide sans ma moitié, et je n’aspirais plus à grand-chose. Glisser hors de mon lit était une torture sans nom, parcourir les couloirs où je pouvais sentir encore la présence de mon frère était bien pire encore. J’ignorai à quoi je pouvais bien ressembler désormais, et m’en moquais certainement… Mon but unique était de passer de ma chambre à celle de mon jumeau pour me recoucher dans son lit. Je voulais croire en un mauvais rêve, j’espérais que celui-ci me prendrait dans ses bras pour me rassurer comme il savait si bien le faire. Mais rien ne venait jamais. Rien d’autres que les larmes coulant le long de mes joues. Je n’avais plus de vie, elle était partie avec mon autre moitié. Mais de tout cela, mon entourage semblait s’en moquer, mère cherchant à me sortir de ma léthargie, quand mon père se démenait ailleurs. L’on m’avait vaguement expliquer ce qui allait se passer désormais : je ne verrai plus jamais les tourelles de Durmstrang, mais une autre école allait m’accueillir… Poudlard. Et aujourd’hui, deuxième semaine de juillet, était mon dernier jour sur le sol Russe. J’ignorai parfaitement ce que j’avais à faire, ce qu’il allait m’arriver, je n’en avais plus cure au fond. J’avais juste à m’habiller et grimper dans le premier navire en partance pour l’Angleterre. « Relève-toi mon enfant, tu as une autre chance ailleurs… » Mais les mots de ma génitrice ne parvinrent à m’atteindre. Qui prendrait soin d’elle le temps du voyage ? Car mon père m’accompagnait, anxieux malgré tout. Je n’avais jamais plus osé lui adresser la parole depuis la disparition de Dimitri, par honte, par peur… Je ne savais quelle émotion choisir.

Le voyage n’est pas utile à conter, mais enfin nous arrivâmes en Angleterre, et un nouveau changement de locomotion s’imposa. Pendant un instant, j’oubliais ma peine, la curiosité prenant le dessus, tandis que de ma fenêtre, j’observais le paysage défiler. Nous n’allions plus tarder à arriver à Londres, capitale où ma nouvelle famille allait bientôt m’accueillir. Enfin le train s’arrêta, et mon père m’observa un instant qui me parut bien trop long pour que je n’y prête pas attention. « Allons-y. » Toujours aussi silencieuse, je finis par me lever, quittant enfin le train, suivant mon paternel de près, par peur de me perdre. Enfin nous cessâmes d’avancer, et ma curiosité fut aussitôt tournée vers ce vieil homme qui se tenait devant nous, avec une telle prestance qu’elle me rappela immédiatement celle de Karkaroff. « Albus ! Je vous remercie encore une fois. » Mais déjà je n’écoutais plus mon père, tourné vers le jeune homme qui l’accompagnait et devait certainement avoir mon âge, peut-être plus. Ma curiosité fut aussi vite assouvie qu’elle ne fut perçue. « Bonjour Ehrzeÿna, je suis Albus Dumbledore, directeur de Poudlard, et peut-être l’as tu deviné, le charmant jeune homme qui m’accompagne est Remus Lupin. Il a été convenu que c’est chez lui que tu logerais durant toute ta scolarité, puisque vous semblez bien vous entendre. » L’espace d’un temps, la tête me tourna, alors que je comprenais enfin où l’on m’abandonnait. Mais au fond, l’était-ce réellement si l’on me proposait de vivre chez ce correspondant avec qui j’avais eu le loisir de converser pendant plus d’un an ? « Alors c’est lui l’admirateur ? Mouais, t’aurais put choisir mieux sœurette. » Et si je n’avais tourné le visage vers mon frère, il n’en demeurait pas moins que j’avais senti sa présence, oppressante, alors que mon regard demeurait obnubilé par mon correspondant. Finalement, peut-être que je n’avais pas tout perdu.