Avachie sur la grande table en bois, le visage posé dans la paume de la main accoudée sur cette même table, l'expression de ses yeux et de tout son visage paraissait lasse, le regard fixant un horizon imaginaire et complètement perdu dans le vide. Léonie une fois de plus, s'ennuyait en cours, rêvassant à un peu de tout et de rien à la fois. Décidément le cours de sortilèges et enchantements de Flitwick n'est pas fait pour elle. À vrai dire, de son point de vue, elle n'est pas faite pour la magie et très souvent, elle remet même en cause sa présence à Poudlard, pourtant au fond, tout au fond d'elle et elle ne l'avouera probablement jamais par fierté, elle apprécie quand même d'être un peu spéciale, d'être une sorcière. Si elle prétend ne pas aimer cette part d'elle, c'est parce qu'elle lui vient de l'homme qui ne l'a jamais reconnu comme étant sa fille, et qu'elle ne connait pas.


Ses longs cheveux dorés lui cachaient une partie du visage, cela lui permettait de rêvasser en toute tranquillité, le professeur semblait ne pas prêter attention à elle, et pour une fois cela lui convenait parfaitement. D'ordinaire, la demoiselle était plutôt du genre à aimer se faire entendre, à aimer se faire voir, elle apprécie qu'on la remarque et qu'on lui porte de l'attention, et ne supporte absolument pas l'indifférence à son égard. Cet incessant besoin provient de l'abandon qu'elle a subit de son propre père. Un certain Emeric Lupin, dont elle ignorait l'identité jusqu'à il y a encore quelque mois à peine, sa mère ayant toujours refusé de lui parler de cet être dont elle aurait tant eu besoin dans sa vie, dont elle a pendant très longtemps rêvé de connaitre. Seize années passées loin d'une figure paternelle, élevée que par sa mère Romilda Lancaster, mère aimante dont elle porte le nom puisque non reconnue par celui qui l'avait conçue. Léonie garde en elle l'amertume de ce rejet, d'autant que son seul repère masculin n’était nul autre que son grand-père et qui lui arrivait de prendre de coups par ce dernier, toujours à l'insu de sa maman qui encore aujourd'hui n'en sait rien. Pendant longtemps, la jeune fille n'a pas compris pourquoi il lui faisait subir cela, lui qui semblait être une personne douce et gentille, ce n'est qu'à l'âge de dix ans qu'elle commença à en comprendre les raisons. Lorsqu'elle reçut sa lettre pour Poudlard, ce jour-là, ils n'ont pas eu d'autres choix que de lui expliquer ce qu'elle était, qu'elle était différente, et qu'elle tenait cela de son géniteur. Son grand-père, monsieur Lancaster avait — comme beaucoup de moldu — peur de la magie, et il en voulait à Lupin d'avoir abandonné sa fille et sa petite fille. Tant qu'elle était toute petite, il la traité avec beaucoup d'amour et d'affection, mais quand elle commença à faire des choses inexplicables, bizarres, il sut qu'elle était comme son père et il lui fit payer à elle, ce qu'il reprochait à son paternel. De ce fait, et bien qu'elle aime profondément sa mère et son grand-père malgré, ce qu'elle n'avouera pas, elle fut bien contente de partir pour l'école de la sorcellerie, elle ne risquait ainsi plus aucun coup, qui sont d'ailleurs devenu son épouvantard.

BOOM

Léonie sursauta en entendant l'explosion qui s'était produite non loin derrière elle, un élève venait de rater lamentablement le sort que Flitwick leur avait demandé de reproduire et dont la blondinette n'avait pas prêté attention de quoi il retournait. Cependant, elle pouffa de rire devant la tête ahurie du garçon en question et se fit, malheureusement pour elle, repéré par le professeur qui lui demanda d'essayer de faire mieux que le pauvre malheureux, puisqu'elle trouvait cela marrant. Un brin rebelle, elle refusa de se plier à la requête de son professeur, elle n'avait que fichtre d'apprendre à utiliser des sorts et des enchantements, utiliser sa baguette, très peu pour elle, mademoiselle Lancaster est une manuelle, elle préfère utiliser ses mains — ou ses poings — . Elle cherche sans arrêt à renier son côté magique, même si au fond d'elle, elle aime être une sorcière, être différente de ceux qui l'ont vu grandir à Newcastle. Seulement, même si elle apprécie sans le dire ce qu'elle est, elle préfère quand même faire sans, ou tout du moins, elle essaie de s'en persuader. Elle répondit effrontément à Flitwick, s'enfonça sur son siège, croisant les bras et affichant une moue boudeuse, elle n'en démordrait pas, elle ne tenterait pas ce sort. Son attitude insolente était en réalité une façon de masquer le fait qu'elle ignorait totalement de quoi il s'agissait. Elle préférait largement se faire punir pour insolence et manque de discipline, plutôt que de faire face à la honte de montrer qu'elle rêvassait et n'était que physiquement présente, alors que son esprit vagabondait dans ses souvenirs. Ce qu'elle recommença, aussitôt que le professeur retourna à ses occupations, la laissant tranquille, ayant probablement compris qu'il ne tirerait rien d'elle ce jour-là.


Reprenant sa position de départ, ses pensées la ramenèrent à son arrivée à Poudlard, et Léonie ressentait en elle la même excitation qu'elle avait eue ce jour-là, d'abord à la gare sur le quai 9 3/4, puis en arrivant aux abords du château, elle si petite face à l'immensité de l'imposante bâtisse. À l'intérieur, c'était au-delà de tout ce qu'elle avait pu imaginer, après tout, elle était complètement novice au monde de la magie. Dans les premiers temps, elle avait été complètement euphorique à ce changement et appréciait chaque instant, chaque moment, du moindre détail au plus grand évènement. Un sourire fendit de part et d'autre son visage en songeant à la cérémonie de partition. Léonie avait été complètement tétanisée lorsque son nom fut appelé pour aller s'asseoir sous le Choixpeau magique, et une fois assise, cela ne s'était pas arrangé, elle était figée, raide comme un piquet en attendant le verdict. À cette époque, elle ignorait tout des quatre maisons et donc celle qui lui avait été attribuée lui convenait amplement et elle lui convient toujours d'ailleurs. Avec le recul et ces six années passées là, la sorcière ne s'imaginerait pas ailleurs, elle est précisément là où elle devait être, elle en est certaine, il ne s'est pas trompé, le Choixpeau ne se trompe jamais. Puis, les jours, les mois passés, et plus elle était tiraillée entre son envie de faire abstraction de son don, comme elle appelle la magie dont elle est pourvue et l'envie de s'en servir, le besoin serait plus juste... Après tout, cela fait partie intégrante d'elle, c'est ce qu'elle est, elle ne peut le renier et au fond, elle n'en a pas réellement envie. Ce que Léonie souhaite ? Savoir quoi faire de sa vie et connaitre celui qui lui a donné la vie, celui qui lui a offert ce don qui lui fait être aujourd'hui une élève de Poudlard à part entière. Tout dans sa vie, tourne autour de cela, le besoin de connaitre ses origines. C'est frustrant d'être si prêt, plus d'une personne ici doit sans doute le connaitre, et de ne rien savoir.


Presque complètement assoupie, Léonie leva péniblement la tête pour regarder l'heure, qui s'écoulait à une lenteur presque douteuse, tellement cette heure de cours semblait interminable. Elle ferma les yeux, rien qu'un instant reprenant le cours de ses pensées où elle les avait laissées. Il y avait quelques mois, enfin elle obtint de la part de son grand-père un nom : Lupin. Ce nom résonnait sans cesse dans sa tête, elle le connaissait, elle l'avait déjà entendu, c'était celui d'un des élèves de Gryffondor. Son poing se serra sans même qu'elle ne s'en rende compte. Elle avait donc un demi-frère, Remus était son demi-frère, il était le fils de celui qu'elle haïssait pour l'avoir laissée lâchement derrière lui en partant. Quand elle eut compris le lien qui les unissait et comme elle ne pouvait déverser sa rancœur sur cet homme qui leur avait servi de géniteur à tous les deux, elle rabattit sa colère sur ce garçon qui n'avait rien demandé, qui ne savait probablement rien. Du moins c'est ce qu'elle pensait au départ. Plus les jours avançaient, et plus Léonie était persuadée qu'il savait tout. Du jour au lendemain, elle changea de comportement avec Remus, se montrant froide, agressive, une véritable petite peste. Tout comme son grand-père lui avait fait payé à elle le fait d'être fille de sorcier qui avait brisé le cœur de son enfant, et bien qu'elle exécré ce comportement indigne, elle reproduisait exactement la même chose avec son demi-frère, lui faisant payé à lui pour le préjudice qu'elle avait subi et dont il n'y pouvait rien. Elle lui faisait payer d'avoir connu ce père qu'elle aurait aimé connaitre et dont lui avait pu profiter, certes peu de temps, il fut abandonné aussi, mais la blondinette s'en fichait, elle avait besoin de lâcher ce qu'elle avait en elle, cumulé toutes ces années. Le pire, c’est qu'elle s'en veut de lui infliger ça, elle se sent lâche et coupable de lui imposer sa souffrance de la sorte. Elle fait tout pour qu'il la déteste, alors qu'en réalité, au fond, elle aimerait tant apprendre le connaitre. Mais fière comme elle est, Léonie préfèrerait crever plutôt que d'admettre qu'elle a terriblement besoin de ce frère qu'elle n'a jamais eu, mais qui était pourtant là tout près d'elle, besoin d'une autre famille que celle qu'elle connaissait, d'une famille qui comprendrait ce qu'elle est, qui comprendrait la magie en elle. Alors, elle le cherche, le provoque, attendant que Remus la remarque enfin et vienne à elle, car elle ne ferait jamais la démarche elle-même, elle n'arriverait probablement pas à s'y résoudre.


Le contact d'une main sur son épaule, une petite secousse, Léonie ouvrit ses paupières, elle s'était complètement endormie et un élève venait de la réveiller pour lui notifier que le cours de Flitwick était enfin terminé. La sorcière se leva en baillant, sous le regard désespéré du professeur et se dirigea vers la porte, pas vraiment pressée de se rendre à son cours suivant.