C'est viscéral. A chaque nuit de pleine lune, tu ne peux t'empêcher de t'inquiéter pour tes amis. A ce qu'il pourrait se passer si Remus ou plutôt le loup blessait l'un des Maraudeurs. Il ne pourrait jamais se le pardonner et beaucoup de problèmes s'en suivrait. Pourtant, il est ton ami et cette malédiction chez lui n'est qu'un infime détail. Tu lui prouves en le soutenant du mieux que tu le peux en pensant parfois que tu n'es pas digne de lui, d'être son ami. Tu t'en veux au fond, de ne pas pouvoir faire quelque chose pour lui. Tu es un Black après tout, ton nom suffirait largement à ouvrir beaucoup de portes et tu pourrais essayer de trouver un remède mais la réalité te frappes brutalement après chaque nuit comme celle-ci : il n'existe aucun remède. Fatigué d'avoir passé une nuit entière à guetter Remus, à courir dans la forêt interdite sous ta forme animale. Tu tiens à peine debout mais tu t'en fiches. La seule chose qui compte est de rentrer tous sains et saufs à Poudlard avant que le soleil ne se lève et panser les blessures d'un Remus très affaibli et marqué par cette nuit qui en fin de compte, a sûrement été éprouvante pour ce dernier plus que quinconque. Tu n'oses même pas imaginer à quel point la situation de ton ami pouvait être dure. Soutenant d'un côté Remus, tu lances le même regard après chaque pleine lune à James, ton frère de substitution en quelque sorte, qui soutient lui aussi Remus. Un regard douloureux, un regard peiné et un peu las. Si aucun mot n'est jamais prononcé sur le sort de votre ami, tu devines pertinemment que tout le monde pense la même chose. Baissant les yeux au sol, tu te concentres sur les endroits où tu poses les pieds pour éviter de tomber et de risquer de réveiller Remus pendant l'espace de quelques secondes. Cela le tuerait presque, tu le sais puisque son corps a subi beaucoup de choses cette nuit. Tu t'obliges à réguler ta respiration pour te concentrer, comme avant chaque grand match de quidditch opposant ton équipe à une autre. D'un moment à l'autre, ton esprit retrouve sa lucidité mais l'instant d'après tes nerfs lâchent et un brouillard s'empare ce dernier. Tu ne fais pas attention à l'environnement, seul James semble concentré sur chaque pas que vous effectuez tout en consultant la carte des maraudeurs. Même Peter, derrière vous est totalement invisible à tes yeux. La route te semble interminable, tu sembles l'oublier à chaque fois. Tu trouves ça risible mais tu te retiens pour éviter que tes compagnons te prennent pour un fou. Alors que tu penses être à bout, l'exclamation de James te fais lever les yeux vers lui et, suivant son regard, tu découvres comme pour la première fois, les contours de Poudlard. Poussé par la joie de retrouver une douche et ton lit, tu accélères la cadence, toujours avec Remus appuyé contre toi. En un rien de temps, te voilà devant un passage secret trouvé grâce à la carte. Ravi, plus rien de semble compromettre votre retour à l'école de magie. Tu parles trop vite. Alors que vous touchez au but, tu entends des bruits de pas provenant du couloir annexe à celui où vous vous trouvez tous. Le teint pâle à la limite vert de James ne te réconforte pas du tout. « Merde c'est Dolohov ! » Cela s'annonce mal et sans que tu ne t'en rendes compte, James et Peter ont déjà détalé vers la salle commune de Gryffondor, te laissant seul avec un Remus endormi et plutôt lourd. Retenant de crier, tu soutiens ton ami et tu t'engouffres avec lui dans la première salle que tu aperçois. Manque de chance, le cliquetis que tu perçois peu après avoir fermé la porte t'indique que tu es piégé avec Remus mal en point dans une salle très sombre. Tu soupires, conscient que c'est bien ta veine mais tu finis par prendre ta baguette et murmurer lumos. Ta baguette s'illumine aussitôt et la vue que tu as de Remus te plonge dans un effroi incommensurable. Doutant que ton ami soit encore en vie, tu laisses tomber ta baguette magique au sol et tu te jettes sur lui, allongé par terre. Son pouls faible te convainc de vous dépêtrez rapidement de cette affaire. « Remus. Je suis désolé mon pote mais faut que tu m'aides là. J'ai besoin de mettre ton cerveau à contribution. » Perplexe quant au manque de réflexivité de ton ami, tu lui tapotes gentiment la joue avant de commencer à la pincer. La réaction de Remus ne se fait pas attendre et tu reçois en pleine figure sa main.

Le mois de novembre touche à sa fin. Un nouveau mois qui défile. Et pour chaque mois que tu vis, tu gagnes une nuit en enfer. Une nuit éprouvante, insupportable, qui te laisse de nombreuses séquelles. Certaines marques s'estompent avec le temps. D'autres sont profondément ancrées sur ton corps, te laissent des souvenirs indélébiles qui te rappellent ta nature. Mais ce n'est pas le pire. Il y a ces dégâts invisibles que te cause ta malédiction. Cette peur constante que tu ressens, ce dégoût pour toi-même que tu as longtemps eu et qui, même s'il est plus discret aujourd'hui, continue de te tourmenter. Tu es effrayé à l'idée que l'on sache ce que tu es. Tu es effrayé à l'idée que ton "autre toi" blesse quelqu'un durant un soir de pleine lune. Au fond, c'est ça ta malédiction. Si ton corps souffre de ces transformations, c'est devenu supportable avec le temps. Alors que tu redoutes continuellement d'avoir à blesser autrui. Cette nuit-là n'a pas été plus douloureuse qu'une autre. Mais comme d'habitude, tu es soulagé lorsque tu reprends tes esprit dans la Cabane Hurlante. La journée sera dure, tu le sais. Mais ce n'est pas grave. Tu as fini par accepter ce qu'il t'arrive, par accepter le fait de perdre l'esprit une fois par mois. Tu aurais pu perdre la vie, onze ans plus tôt mais tu as la chance d'être en vie. Et les Maraudeurs t'ont bien fait comprendre à quel point c'est important. Ton esprit s'embrume, tu as du mal à penser. Tu sens tes paupières se fermer mais tu luttes contre le sommeil. Pas maintenant. Tu ne peux pas dormir maintenant. Tu dois attendre d'être dans ton dortoir, où tu pourras profiter de quelques heures de sommeil pendant que tes amis seront obligés d'aller en cours. Tu n'arrives plus à te battre. Tes yeux se ferment et tu es incapable de les rouvrir. [...] Tu avances, on te porte. Tu le sens vaguement. Personne ne parle, seul le bruit de l'herbe caressée par le vent arrive à tes oreilles. Tu ne dis rien, tu ne fais rien. Tu te laisses porter, épuisé. Tu sais que tes amis sont à tes côtés, comme toujours. Alors tu es tranquille. [...] Un grognement t'échappe alors que tes yeux commencent doucement à s'activer. Et lorsque tu sens ce picotement sur ta joue, ta main part frapper le nez de ton agresseur. « Ca va pas? » Un murmure plutôt qu'un sermon. Tu te sens encore faible. La faute à l'individu qui se trouve en face de toi et que tu n'arrives pas encore à discerner - tout est encore trop flou. Mais lorsque les traits de son visage deviennent plus nets et que tu observer la pièce autour de toi, tu fronces les sourcils. Par Merlin. Où est-ce que Sirius t'a amené? Et où sont passés Peter et James? Tu devrais déjà être de retour dans ton dortoir à cette heure-ci. Tu te frottes les yeux et baille avant de reporter ton attention sur ton ami. « Qu'est-ce qu'on fait là? » Pas de fenêtre, aucune possibilité de voir ce qu'il se passe à l'extérieur. Seule la baguette de Sirius vous éclaire. Mais ta transformation est déjà terminée. Le soleilcouloirs à cette heure-ci - pire : la harpie doit traîner par là ! Et bien sûr, vous n'avez pas la carte avec vous pour vérifier que la voie soit libre ! Si Dumbledore se doute que tes amis te tiennent compagnie lors de la pleine lune, ce n'est pas le cas du reste du corps enseignant - il vaut mieux qu'ils ignorent ce détail. Si vous êtes-là, c'est sans doute parce que vous avez faillit vous faire prendre. Ta main vient à la rencontre de ta joue et tu fusilles Sirius du regard. Il aurait pu éviter de te pincer. D'autant plus qu'il n'y était pas allé en douceur. Et finalement, un soupire s'échappe de tes lèvres. « Ne me dit pas qu'on est coincés ici. » Tu avais toujours du mal à respirer, ton pouls était faible, ta langue était sèche.. Tes amis auraient du penser à te déposer à l'infirmerie avant de rejoindre le dortoir - vous ne vous seriez pas retrouvés piégés dans cette pièce qui ne doit pas être plus grande que le placard à balai de Greensleeves. Mais tes amis refusent de t'emmener consulter l'infirmière. Sirius t'avait un jour très sérieusement affirmé que ce serait injuste qu'une femme aussi jolie soit à ton service. Tu as toujours eu du mal à comprendre l'intérêt exagéré de ton ami pour la gente féminine, mais soit. Lentement, tu sors ta baguette de ta poche et, prenant appuis contre le mur, tu tentes de te lever. Mais c'est un échec. Tu es encore trop faible pour réussir à te mettre sur tes deux pieds. Alors tu fermes les yeux. Et luttant contre le sommeil, tu réfléchis à un moyen de quitter cette pièce.